cselefigaroLe Figaro – 3 juin 2015

Pour l’auteur, professeur titulaire de la chaire d’économie au Conservatoire national des arts et métiers, notre pays souffre d’une forte désindustrialisation et d’une politique économique inadaptée.

Les petites entreprises ne voient aucune reprise de leur activité. L’investissement public se réduit tandis que le bâtiment et les travaux publics (BTP) continuent de supprimer de l’emploi. Le déficit extérieur hors énergie ne se réduit pas. Le chômage reste solidement installé au-dessus de 5 millions de personnes en incluant celles qui souhaitent travailler davantage.

Le très invoqué « alignement des planètes », avec un prix du pétrole bas, un euro qui a baissé face au dollar et des taux d’intérêt faibles, ne semble pas produire d’effets même si la consommation se maintient grâce à l’effet positif de la baisse du prix du pétrole sur le pouvoir d’achat.

Que se passe-t-il ? La France a connu une croissance de 1,1 % sur la période 2001-2014 et de 0,4 % sur la période 2012-2014. Or le poids de nos structures et de la dépense publique exige une croissance de l’ordre de 1,5 % par an pour tenir la tête hors de l’eau et de plus de 2 % en rythme annuel pendant au moins dix-huit mois pour que les Français en emploi ou proches de l’emploi en ressentent les effets positifs et que les comptes publics s’améliorent de façon réelle et visible. Il faut 3 % de croissance pendant deux ans pour réduire les poches de pauvreté.

Les finances publiques sont toujours hors contrôle. La dépense publique est passée de 56 % du PIB (produit intérieur brut) en 2011 à 57,5 % du PIB en 2014, illustrant le fait que la soi-disant baisse de la dépense est un leurre. Le président et le gouvernement multiplient les annonces de subventions et de nouvelles allocations dans une politique effrénée d’achat de clientèle. Le déficit s’est maintenu à 4 % du PIB en 2013 et 2014 en dépit d’une hausse d’impôts de 70 milliards d’euros !

L’euro a certes baissé de 20 % face au dollar, mais de 10 % en moyenne face aux devises de nos partenaires commerciaux (calcul pondéré selon les exportations vers chaque pays). Les taux d’intérêt ont certes baissé, et l’État s’approprie cette baisse qui stabilise le déficit pour arrêter tout effort sur la dépense, mais les petits entrepreneurs en bénéficient peu. Aujourd’hui, comme toujours, on ne prête que contre des garanties qu’un entrepreneur du BTP ne peut pas donner.

Mais ailleurs en Europe les choses vont mieux et le rétablissement de l’Espagne est spectaculaire. Pourquoi pas nous ?

Trois explications décisives guident l’analyse de la situation et la politique qu’il faudrait mener.

En premier lieu, notre pays souffre encore de la très forte désindustrialisation subie depuis 1999, dernier point haut de notre économie en termes de vivacité et de parts de marché à l’exportation. Les 35 heures ont fait des ravages parce qu’elles traduisaient la vision imbécile qui domine en France depuis le milieu des années 1990 selon laquelle nous sommes entrés dans un monde postindustriel, post-travail alors que la troisième révolution industrielle, en pleine accélération depuis deux décennies, nous a fait entrer dans un monde hyperindustriel et hyperentrepreneurial. Le mot « industrie » a changé de sens, et nous sommes dans une iconomie entrepreneuriale, mais la non-reprise de l’investissement industriel nous tue. Depuis 1999, la part de la valeur ajoutée industrielle dans le PIB a baissé de plus de 30 % et nos parts de marché à l’export dans le monde ont chuté de plus de 40 % ! En effet, 80 % des exportations mondiales hors énergie et matières premières sont faites de produits industriels. Pas d’industrie égale pas d’export ! C’est assez clair ?

En second lieu, l’écrasement fiscal général de tout ce qui bouge en France et notamment la fausse bonne idée d’aligner la fiscalité du capital, qui est un stock, sur celle du travail, qui est un flux, a cassé le développement de la troisième révolution industrielle sur notre sol.

En troisième lieu, le gouvernement, sous couvert de réforme sociale, multiplie les réformes qui tétanisent les chefs d’entreprise (pénibilité, syndicats de branche, retour partiel à la retraite à 60 ans, etc.). Or il n’y aura pas de réindustrialisation iconomique, c’est-à-dire intégrant les apports de l’informatisation de la production et de la distribution, de la robotique et des plateformes numériques, sans alignement de la fiscalité du capital sur celle de nos compétiteurs : régime suédois de la fiscalité du capital (prélèvement forfaitaire de 30 % sur dividendes, intérêts et plus-values), fiscalité anglo-suédoise sur l’impôt sur les sociétés (20 % sur les bénéfices mis en réserve et, dans un premier temps, à 30 % sur les bénéfices distribués), fiscalité des revenus des ménages réformée.

L’écrasement fiscal du capital à l’automne 2012 est le péché originel du quinquennat que le CICE et le pacte de responsabilité ne peuvent effacer. Surtaxer le capital au démarrage d’une révolution industrielle hyperentrepreneuriale et hypercapitalistique relève du vice intellectuel, voire du vice tout court.

Il faut arrêter de changer constamment la donne sociale. Il est impératif de passer à un régime fixant les grands principes par la loi et laissant les entreprises régler les détails avec les partenaires sociaux du terrain.

Il faut massivement simplifier notre structure institutionnelle (50 départements et 2 000 communes suffisent) et redonner un rôle fort à un État stratège léger mais visionnaire aidant les métropoles et l’ensemble des territoires à redonner au pays la croissance qu’il appelle de tous ses espoirs. L’investissement productif doit être notre seule boussole.

Il faut rapidement bouger ou crever. Le réel n’attendra pas deux ans pour s’imposer.

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