L’auteur, professeur titulaire de la chaire d’économie du Conservatoire des arts et métiers, avance les quatre raisons qui ont rendu très difficile une sortie de la Grèce de la zone euro.
Pourquoi tant d’énergie dépensée pour éviter la sortie de la Grèce de la zone euro ? Ce pays a maquillé ses comptes pour entrer dans la zone euro, a dilapidé 200 milliards de fonds structurels reçus depuis son entrée dans l’Union européenne en recrutements massifs de fonctionnaires inefficaces, et a été incapable ne serait-ce que d’élaborer un cadastre pour taxer les richesses immobilières des Grecs. De plus, en organisant un référendum le 5 juillet avec une question populiste sur le thème : « Acceptez-vous les conditions posées part l’Eurogroupe pour obtenir les prêts dont nous avons besoin ? » et en appelant à voter non, le gouvernement Tsipras a brisé la confiance entre la Grèce et l’Europe du Nord.
Malgré cela, tout est mis en œuvre pour éviter un Grexit qui peut sembler la meilleure solution pour boucher le puits sans fond qu’est devenue la Grèce. Car l’accord du 13 juillet sur la Grèce n’est pas le dernier. Il y en aura d’autres au cours des quinze prochaines années !
Pourquoi lutter contre un Grexit ?
La dette de la Grèce atteint 320 milliards d’euros et ce pays aura besoin d’environ 85 milliards d’euros de nouveaux financements d’ici à fin 2018, ces fonds servant notamment à rembourser une partie de sa dette actuelle.
S’opposer à la sortie de la Grèce de la zone euro est donc une décision lourde de conséquences qui peut s’expliquer par quatre raisons :
1 – Ne pas aider la Grèce actuellement peut coûter encore plus cher que de l’aider. Une sortie immédiate rendrait improbable le remboursement de la dette actuelle largement détenue par les Européens. La France seule perdrait sa créance directe de 42,5 milliards d’euros et l’essentiel de ses créances indirectes via la Banque centrale européenne (BCE) de 35 milliards d’euros.
2 – L’effondrement de la Grèce entraînerait une aide de l’Union européenne qui pourrait atteindre les 150 milliards d’euros d’ici à 2020, ne serait-ce que pour éviter que la Grèce n’ouvre ses portes à une immigration de millions de Syriens, d’Irakiens ou d’Erythréens vers l’Europe.
3 – La dimension géostratégique du dossier ne peut être ignorée. La Grèce est en face d’un Liban submergé par les déplacés syriens et de la zone de guerre en Irak et en Syrie. Ses bases sont utilisées par les Américains dans les conflits en cours.
4 – Un Grexit pourrait attirer l’attention sur les difficultés du Portugal et de l’Italie et éventuellement sur celles de la France…
La zone euro souffre de faiblesse. Les Etats-Unis comptent cinquante Etats dont certains sont proches de l’Allemagne, de l’Italie, de la France ou de la Grèce en termes de caractéristiques économiques. Pourquoi ces Etats américains ne connaissent-ils pas les difficultés de la Grèce ou de l’Italie ?
Pour réussir une union monétaire entre Etats ayant des caractéristiques différentes, il faut assembler trois conditions de succès :
1 – Un gouvernement économique de la zone qui vise à optimiser la politique monétaire, la politique budgétaire et la politique de change pour atteindre la croissance non inflationniste la plus forte possible.
2 – Un budget d’investissements dans les infrastructures structurantes pour contrer les effets de la spécialisation économique de chaque pays de la zone dans les activités ayant des productivités différentes. Il s’agit de contribuer, par des transferts budgétaires renforçant la compétitivité économique, à une égalisation des niveaux de vies.
3 – Une coordination fiscale et sociale afin d’éviter une guerre fiscale et sociale interne à la zone.
Les Etats-Unis ont naturellement mis en œuvre ces conditions de réussite en créant un Etat fédéral. Sans fédéralisation économique, au sens des trois conditions précédentes, la zone euro ne sera pas pérenne. Si tous les pays de la zone ne veulent pas de ces conditions, ceux qui les souhaitent peuvent créer un noyau dur fédéral.
De plus, si un Etat faible ne peut pas quitter la zone car sa nouvelle monnaie se dévaluerait et sa dette toujours libellée en euros serait encore plus lourde à porter (par rapport à un PIB dévalué car exprimé dans la nouvelle monnaie), un noyau dur fédéral autour de la France et de l’Allemagne pourrait quitter l’euro et créer un euro fédéral qui se réévaluerait par rapport à l’euro. Si les pays faibles ne peuvent pas quitter l’euro, les forts peuvent le quitter à tout moment pour cesser de garantir les dettes des faibles ! Le Grexit pourrait se transformer en sortie de l’Allemagne et d’autres pays de l’Europe du Nord ou en sortie d’un noyau dur fédéral ! Le tabou de l’euro a une source tragique : seuls les pays vertueux ont un billet de sortie…
Quoiqu’il arrive dans les semaines à venir, la crise de la Grèce et celle de l’euro ne sont pas terminées.
Actus en relation
Laisser un commentaire
Nombre de commentaires :