Les Echos – 21/06/2024
Face à une crise systématique de l’action publique, le gouvernement n’a mené que des réformes pointillistes.
L’agence Standard & Poor’s a dégradé la note de la dette publique française de AA à AA– le 31 mai 2024. Le ministre des Finances, Bruno Le Maire, a soutenu dans les jours suivants la thèse suivante : « La raison principale de cette dégradation est que nous avons sauvé l’économie française », en attribuant les difficultés des finances publiques au Covid et à la crise inflationniste de 2020-2023. Bruno Le Maire a tort, comme nous le démontrons ici.
Si le gouvernement a effectivement fait face à une double crise très grave, l’augmentation de la dépense publique et du déficit public pendant ces crises est inférieure à l’augmentation de ces agrégats dans la zone euro pendant cette période.
Par comparaison avec la moyenne de la dépense publique en 2015-2019, la dépense publique en points de PIB n’a augmenté que de 0,5 point en 2023 en France, contre 2,5 points dans la zone euro. Et par comparaison avec le déficit moyen en 2015-2019, le déficit public en points de PIB a augmenté de 2,4 points en 2023 en France, contre 2,5 points dans la zone euro.
Dérapage en 2010
Si l’on dégrade la note de la France et pas celle de l’Allemagne, par exemple, ce n’est pas la conséquence du Covid ou de l’inflation en 2020-2023 mais c’est le produit de la situation catastrophique de nos finances publiques en 2015-2019 avec un déficit public moyen de 3,1 points de PIB en France, contre un excédent de 1,4 point de PIB en Allemagne et un déficit de la zone euro de 1,1 point de PIB ! Emmanuel Macron est ministre de l’Économie ou président de la République depuis août 2014.
Au moment des élections législatives des 30 juin et 7 juillet, nous sommes confrontés à la situation catastrophique de nos finances publiques, avec un déficit public annuel moyen culminant, selon les prévisions de la Commission européenne, à plus de 5 points de PIB en 2024-2025, contre 2,5 points de PIB dans la zone euro hors France. Comment en est-on arrivé là ?
La dérive des finances publiques commence en 1981 mais, partant d’une situation extrêmement saine en 1980 – avec une dette brute à 20 % du PIB et une dette nette nulle ! –, nous étions encore dans une situation exactement à la moyenne de la zone euro en 2010-2012. Le dérapage, par comparaison avec la zone euro, commence au milieu des années 2010 et devrait durer jusqu’au milieu des années 2020.
En 2024, la dépense publique devrait s’établir à 57 % du PIB, dont 34 % du PIB de protection sociale, soit quasiment 60 % de la dépense publique. La dépense publique en France dépassera de 8 points de PIB le taux de dépense publique (en % du PIB) dans la zone euro hors France – dont 4 points de PIB au titre des retraites.
Le gouvernement a fait voter une réforme des régimes de retraite qui s’applique depuis le 1er septembre 2023 avec un âge légal de départ qui passera progressivement de 62 à 64 ans pour les régimes du privé et de la fonction publique, mais pas pour les entreprises publiques qui ont obtenu des dérogations avec des réductions de 2 à 3 années par rapport aux régimes principaux. L’âge d’annulation de la décote reste à 67 ans et la retraite minimale passe à 1.200 euros brut mensuels ou 85 % du SMIC net. Les départs anticipés sont facilités et de nouveaux droits familiaux ont été créés avec, au total, une économie d’ensemble de l’ordre de 0,4 point de PIB en application pleine dans huit ans, soit un dixième du surplus de dépense de retraite par rapport aux autres pays de la zone euro. Une réforme des conditions d’obtention de l’allocation chômage devait intervenir au 1er décembre.
Face à une crise systémique de l’action publique – baisse du niveau de l’enseignement, insécurité croissante, immigration incontrôlée, etc. –, le gouvernement mène depuis sept ans des réformes pointillistes, face à des oppositions dures, qui permettent de réduire à la marge les déficits publics. C’est ce qui vient de sanctionner Standard & Poor’s. Et la situation post-7 juillet est très incertaine, sauf miracle.
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