Les Echos – 8/10/2024
Pour baisser le déficit sans casser la croissance, les études montrent qu’il faut miser à 80% minimum sur les baisses de dépenses.
La France fait face à un déficit public structurel d’au moins 4,5% du PIB sous l’hypothèse d’un trend de croissance de 1,15% par an en 2025-2027. En comptabilité conjoncturelle, le déficit public devrait être supérieur à 6% du PIB en 2024. Lors de son discours de politique générale du 1er octobre, le Premier ministre, Michel Barnier, s’est engagé à le réduire à 5% du PIB en 2025. Si nous voulons rétablir les finances publiques à long terme, il faut revenir à un déficit inférieur à 1,5% du PIB qui permettrait d’entamer une vraie décroissance de la dette publique en pourcentage du PIB. L’ajustement structurel requis est donc de 3 points de PIB sur un horizon de trois ans (2025-2027), soit 1 point de PIB par an.
Cet ajustement, sur le périmètre actuel de dépense, est d’autant plus nécessaire que pour réarmer dans un monde hostile, réindustrialiser et accélérer l’adaptation au changement climatique, il faut prévoir une hausse des dépenses publiques nouvelles de 0,25 point de PIB par an pendant six ans, soit 1,5 point de PIB d’investissements publics annuels innovants en 2030, qui devraient déclencher un effort équivalent du secteur privé. Cet effort conjoint devrait nous permettre d’espérer une croissance durable de 1,75% par an à partir de 2028. Cet ajustement est nécessaire si l’on veut investir pour une adaptation climatique significative sans sacrifier le pouvoir d’achat de la population.
Comment réaliser l’ajustement nécessaire de 2025-2027 tout en permettant l’avènement du projet stratégique, esquissé au paragraphe précédent, d’ici à 2030 ? La recherche universitaire, tout comme les études du FMI et de l’OCDE, portant sur les dizaines de plans d’ajustement conduits internationalement depuis 1990 pour rétablir la solidité des finances publiques des pays concernés, montrent que pour baisser le déficit sans casser la croissance, il faut que l’ajustement comporte au moins 80% de baisses des dépenses et au maximum 20% de hausses d’impôts.
Or le Premier ministre s’est engagé sur deux tiers de baisse de dépense et un tiers de hausse d’impôts, qui plus est dans un pays déjà fiscalement gavé. Il faut baisser les dépenses de fonctionnement et pas celles d’investissement. La France ayant le record du monde des dépenses sociales (33,5 % du PIB, soit 7 points de PIB de plus que la moyenne des autres pays de la zone euro), il faut agir sur cette dépense en priorité, tout en contrôlant strictement les dépenses de fonctionnement de l’État et des collectivités locales.
Sur la période 2025-2027, il faut donc baisser les dépenses dans leur périmètre actuel de 3 % du PIB en trois marches annuelles de 1 % du PIB, essentiellement en sous-indexant les dépenses sociales et celles de fonctionnement des collectivités locales, et augmenter les impôts au maximum de 0,75 % du PIB, en trois étapes annuelles de 0,25 % du PIB, pour réduire le déficit de 3 % du PIB et financer les nouvelles dépenses à hauteur de 0,75 % du PIB.
Pour le financement de ce plan triennal, il faut envisager une hausse des trois taux de TVA en conformité avec les règles européennes (7 %, 12 % et 21 %), un prélèvement exceptionnel sur les bénéfices des grands groupes énergétiques et une taxe temporaire de 1 % sur les revenus supérieurs à 180.000 euros par an.
Rappelons que les 10 % de revenus les plus élevés au sein des ménages sont déjà très taxés et paient plus de 70 % de l’impôt sur le revenu (IR). Et que les 20 % de ménages ayant les revenus les plus élevés paient plus de 75 % de la somme de l’IR, de la CSG, des cotisations chômage et des taxes foncières, une proportion sans équivalent dans le monde. Le rétablissement budgétaire ne peut réussir que s’il s’inscrit dans un projet stratégique crédible permettant d’enclencher une croissance durable avec un effort d’ajustement partagé.
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