Les Echos – 17/04/2018

Les pensions de retraite par répartition pèsent trop fortement sur les actifs et sur la compétitivité de la France. Pour diminuer cette charge sans amputer le pouvoir d’achat des retraités, il faudra mettre au point des formes innovantes de capitalisation.

On aborde généralement la réforme des retraites par répartition comme un enjeu social ou politique, mais jamais sous l’angle stratégique qui est pourtant central.

Les pensions en répartition atteignent 14 % du PIB sur une dépense publique française de 56 % du PIB, soit 9 points de PIB de plus que la moyenne de la dépense publique chez les 18 autres pays membres de la zone euro. Pour stabiliser les pensions en euros constants, il faut porter l’âge de départ à 64 ans et la durée de cotisation à 44 ans d’ici à 2024. La durée de cotisation est déjà programmée à 43 ans en 2030, tandis que l’âge de départ optimal pour les salariés du privé est déjà de 63 ans, compte tenu des accords Agirc-Arrco.

Il s’agit donc de donner un petit coup de collier supplémentaire pour limiter une charge de pensions qui pèse trop fortement sur les actifs et la compétitivité du pays. A terme, le poids de la répartition pourrait refluer vers 12 % du PIB, soit un niveau restant au-dessus de la moyenne de nos compétiteurs mais dans de moindres proportions qu’aujourd’hui (2 points de PIB au lieu de 4 points de PIB au-dessus de la moyenne de l’Europe de l’Ouest).

Rénover le secteur productif

Pour maintenir un niveau élevé de pouvoir d’achat à la retraite, en lien avec un effort individuel d’épargne à long terme, les actifs pourraient être incités à se constituer un troisième étage de retraite en capitalisation dont les prestations pourraient atteindre 2 % du PIB par an d’ici 2035-2038.

Avec un rendement moyen des placements des cotisations versées pendant la période de constitution de ces fonds de pension de l’ordre de 5 %, le pays devrait accumuler, au cours des vingt prochaines années, des fonds de pension de l’ordre de 40 % du PIB, dont les deux tiers devraient être investis en actions des entreprises. Cela constituerait un apport précieux de fonds propres pour accélérer la croissance du secteur productif.

La France doit en effet moderniser son appareil de production et remplacer les machines de ses usines, dont l’âge moyen est proche du double de celui mesuré en Allemagne. L’industrie assure plus des trois quarts des exportations de biens et services, hors matières premières et énergie, dans tous les pays développés et plus des quatre cinquièmes de la recherche et innovation non publiques. Sans industrie puissante et robotisée, pas d’exportations et d’innovation !

Par quels outils techniques avancer ? L’idéal est évidemment de créer des fonds de pension ayant un horizon d’investissement d’au moins quinze ans dans l’économie productive et bénéficiant du régime prudentiel européen des fonds de pension qui échappe aux règles les plus castratrices de Solvabilité II . Mais si le mot de « fonds de pension » continue de terrifier les ignorants et les faux prophètes, deux autres possibilités s’offrent à nous.

Fonds de pension « de gauche »

Premièrement, on peut créer facilement un compartiment d’investissement à au moins 15 ans dans l’assurance-vie doté des mêmes caractéristiques techniques que les fonds de pension et d’une fiscalité favorable en lien avec le risque pris à long terme.

Deuxièmement, et sans ciller, on peut créer des fonds de pension « de gauche » dans chaque branche économique ou dans des regroupements de branches. Il s’agirait de fonds d’investissement dirigés par des conseils de surveillance ayant une moitié de représentants des syndicats et une moitié d’employeurs. Ces fonds se doteraient d’un directoire technique et sous-traiteraient la gestion par appels d’offres auprès d’organismes financiers. Les objectifs des investissements, en termes de cibles et de rentabilité, seraient fixés par les conseils de surveillance, qui pourraient, et devraient, privilégier les investissements dans l’économie française.

Si ces instruments d’investissement à long terme dirigeaient environ 30 milliards d’euros par an vers le financement des entreprises françaises, et donc 45 milliards d’euros en capitaux propres avec un effet de levier de 1,5, le renouveau de notre appareil de production serait considérablement accéléré et les créations d’emplois productifs fortement augmentées.

La réforme des régimes de retraite réussira d’autant mieux qu’elle s’inscrira dans une transformation systémique qui accélérera la croissance économique et les créations d’emplois, contribuant ainsi à une augmentation des cotisations perçues par les régimes en répartition.

Les régimes en répartition seront ainsi les premiers bénéficiaires de la réussite des fonds de capitalisation !

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