L’Opinion – 04/02/2021

« En écho aux erreurs des années 1930, on retrouve la même incapacité à regarder à long terme tout en se comparant aux autres dans ce qu’ils font de mieux »

En 2020, l’activité économique a baissé de 8,3 % en France, de 7 % dans la zone euro, de 5 % en Allemagne et de 3,5 % aux Etats-Unis. Ce recul français intervient après vingt ans de forte désindustrialisation (chute de plus d’un tiers du poids de l’industrie dans le PIB), de faible croissance annuelle (0,75 % par an sur la période 2001-2020), de tragique montée de la dette publique (98 % en 2019, avant la pandémie, et peut-être 125 % fin 2021), d’un chômage qui varie de 8 % quand tout va bien à 12 % au premier accroc, et d’une chute de notre capacité d’innovation et de prise de risque.

Le pays de Pasteur est absent des nouveaux vaccins car nos grands instituts « n’ont pas osé » se lancer dans les productions et thérapies nouvelles. Le niveau de robotisation de nos usines est aujourd’hui inférieur à celui de l’Espagne et la valeur ajoutée industrielle française en euros est tombée à 40 % de celle de l’Allemagne.

Face à la Covid, en mars-avril 2020, nos soignants n’avaient pas les équipements nécessaires alors que nous avons le record du monde de la dépense de protection sociale en proportion du PIB. Ils étaient dans la position des fantassins français qui ont dû attaquer les chars allemands quasiment à main nue en mai 1940.

Désastres. Trois raisons expliquent les désastres des vingt dernières années, en écho aux erreurs des années 1930.

D’abord, on retrouve la même incapacité à regarder à long terme tout en se comparant aux autres dans ce qu’ils font de mieux. Refus de l’adaptation à la guerre moderne fondée sur le couple avion-char dans les années 1930, refus de se préparer aux pandémies en analysant les politiques de santé de la Corée du Sud, de Taïwan et de Singapour et de favoriser l’essor de la recherche et de l’industrie pharmaceutique dont le poids relatif par rapport aux autres pays s’est effondré dans les années 2010.

Ensuite, incapacité des pseudo-élites administratives énarchisées d’analyser et de comprendre la nature de la Nouvelle révolution industrielle fondée sur la science et la technologie de l’informatique qui se développe depuis les années 1980 avec une très forte accélération depuis les années 2000. Une nouvelle accélération appuyée sur l’intelligence artificielle, la 5G, les biotechnologies, l’espace et l’informatique quantique est en cours et va tout bouleverser dans les années 2020. Sur les sept membres du bureau politique du Parti communiste chinois, il y a six ingénieurs. Aucun parmi les Présidents et Premiers ministres français depuis trente ans.

« Sur le plan stratégique, depuis quarante ans, nous avons posé le sac et mangé le casse-croûte sous les frondaisons au moment où les autres se mettaient au combat et accéléraient la course »

Au lieu d’accélérer dans la transformation de notre économie au milieu des années 1990, on met en place les 35 heures et les RTT, après la retraite à soixante ans en 1982 au moment où s’amorçait le vieillissement de la population. Sur le plan stratégique, depuis quarante ans, nous avons posé le sac et mangé le casse-croûte sous les frondaisons au moment où les autres se mettaient au combat et accéléraient la course. Depuis vingt ans, nous sommes vautrés dans le refus du combat, l’écœurement des fermetures d’usine, l’abjection du principe de précaution qui a castré l’ancienne furia francese et la négation de notre identité de grande nation.

Morgue. Enfin, de 1940 à 2020, la même morgue des pseudo-élites centralisées qui doutent de leur propre peuple comme nos généraux « n’avaient pas confiance dans leurs propres soldats » (Marc Bloch). Il faut territorialiser le pouvoir en reconstruisant nos institutions sur les 1 250 intercommunalités du pays qui correspondent aux bassins de vie, en divisant le nombre de départements par deux et en réintroduisant le couplage région-département par des élus uniques, au nombre divisé par deux, siégeant tour à tour au département et à la région.

Les interco, rebaptisées « communes métropolitaines » et élues au scrutin direct (les communes actuelles devenant leur subdivision), doivent produire des plans de développement économique et social de six ans, mis à jour tous les trois ans, en lien avec les entreprises, et des plans pour l’habitat, les transports, l’éducation et la santé coordonnés par les nouveaux départements. Les régions doivent avoir pour seule priorité le développement de l’industrie, de l’enseignement supérieur et professionnel et de la recherche dans la Nouvelle révolution industrielle. Il faut en urgence des fonds d’investissement régionaux, les plans stratégiques régionaux étant coordonnés par une Agence publique stratégique dont la direction est confiée à des ingénieurs et des économistes. Un fonds d’investissement national finance les grandes infrastructures du renouveau.

Tous les fonctionnaires élus doivent démissionner de la fonction publique afin de supprimer les parachutes dorés dans le public. Tous les responsables syndicaux, politiques et médiatiques doivent suivre des cycles de formation sur les mutations du monde et doivent visiter les centres industriels et de recherche des pays les plus avancés.

Qui est prêt, parmi les citoyens, à se lever pour sauver le pays ?

Crédit photo : Matt Hardy

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