Les Echos – 22/06/2022

Un effort budgétaire supplémentaire est nécessaire pour adapter nos capacités militaires au contexte actuel et porter la nécessaire évolution de nos équipements.

La guerre en Europe est un fait stratégique majeur qui impose de bâtir une économie duale – militaire et civile – industrielle et stratégique puissante. La loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025 a prévu un premier renforcement de nos capacités militaires après vingt ans de réduction, mais le format 2025 envisagé en 2018 n’est plus en phase avec le contexte d’une compétition militaire accrue entre la Chine et les Etats-Unis, de la guerre en Ukraine ou de la montée en puissance de l’Allemagne, la Turquie ou l’Algérie. Le budget des Armées est fixé à 41 milliards d’euros en 2022 et devait atteindre 44 milliards d’euros en 2023, ce que beaucoup d’experts mettaient en doute compte tenu du gel répété de crédits militaires depuis le vote de la LPM.

Or nos armées sont démunies de drones ou de missiles, de capacités antimissiles, de moyens de transport et de munitions. De plus, le format capacitaire envisagé pour 2025 est totalement décalé par rapport au souhaitable. Il repose sur une force opérationnelle terrestre (FOT) de 77.000 hommes, 200 chars, 260 hélicoptères, 109 canons Caesar, 13 systèmes de lance-roquettes (LR) et une vingtaine de drones tactiques. Alors qu’un format sérieux envisagerait pour 2030 (format capacitaire 2030 souhaitable) une FOT de 90.000 hommes avec 250 chars, 320 hélicoptères, 200 Caesar, 50 LR et 200 drones tactiques armés, accompagnés des supports nécessaires.

De même, le format 2025 naval prévoit 17 frégates, 4 sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) et 6 sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) alors que le format 2030 conduirait à se doter rapidement (avant 2030), en faisant un effort considérable sur nos capacités industrielles, de 22 frégates, 5 SNLE et 9 SNA, avec les supports nécessaires. Et il faut une centaine de drones armés adaptés aux besoins de la marine.

Enfin, le format 2025 prévoit des forces aériennes limitées à 253 avions de combat en parc, avec un taux de disponibilité faible, dont 171 Rafale (42 pour la marine), 4 Awacs, 15 avions ravitailleurs et 43 avions de transport tactique sans gros-porteurs. Le format 2030 conduirait à se doter avant 2030 de 300 avions de combat, dont 220 Rafale (dont 80 Rafale F4), 6 Awacs, 20 avions ravitailleurs, 60 avions de transport tactique et une dizaine de gros-porteurs.

Le budget de recherche-innovation-développement (BRID) doit passer de 1 milliard d’euros en 2022 à 3 milliards d’euros en quatre ans, par incrémentation annuelle de 500 millions par an jusqu’en 2030 (BRID 2030 : 5 milliards d’euros), tandis qu’un Fonds stratégique d’investissement défense (FSID) dans la Base industrielle et technologique de défense (BITD) doit être doté de 2 milliards d’euros par an, pendant dix ans, afin de contribuer à la réindustrialisation duale civile-militaire.

Cet effort de reconstruction, qui devra être poursuivi pendant au moins dix ans, peut être mis en oeuvre avec un budget militaire, hors FSID et hors pensions et fonds de concours et attributions de produits rattachés, progressant, par incrémentation annuelle de 3 milliards d’euros, de 41 milliards d’euros en 2022 à 56 milliards d’euros en 2027 et 71 milliards d’euros en 2032. Si ce projet est voté à l’automne 2022, le budget – FSID inclus – passerait de 46 milliards d’euros en 2023 à 73 milliards d’euros en 2032.

En supposant que le PIB en volume progresse de 1,5 % par an et les prix de 2 % par an de 2023 à 2032, le budget militaire – FSID inclus à partir de 2023 – passerait de 1,54 % du PIB en 2022 et 1,67 % en 2023 à 1,83 % en 2027 et 1,94 % du PIB en 2032. Toute hausse supplémentaire de l’inflation serait reportée sur le budget militaire pour conserver ces proportions. L’effort de reconstruction de notre puissance militaire, ici proposé, est à la fois stratégiquement nécessaire, budgétairement très raisonnable, et industriellement souhaitable.

Photo par Mat Napo sur Unsplash

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