Les Echos – 14/09/2022

La dérive budgétaire de la France a évidemment été spectaculaire sous l’effet de la crise du Covid-19 et du « quoi qu’il en coûte ». Sommes-nous pour autant en perdition ? La réponse doit être nuancée.

Le déficit public, c’est-à-dire le déficit de l’ensemble des administrations publiques, est passé en pourcentage du PIB de 2,3 % en 2018 à 8,9 % en 2020 et atteindra vraisemblablement 5,2 % en 2022 hors nouveau choc macroéconomique ou géostratégique avant la fin de l’année. La dette publique brute devrait passer de 98 % du PIB en 2018 à 113 % du PIB en 2022, soit une dégradation apparemment limitée compte tenu de la violence du choc. Elle est du même ordre de grandeur que la hausse en pourcentage de PIB de la dette de l’Italie et de l’Espagne sur la même période, mais elle atteint le double de la hausse de la dette publique en pourcentage du PIB de la zone euro et de l’Allemagne, sans parler des Pays-Bas dont la dette n’augmente pas sur la période !

Les points d’inquiétude sont autres. Le premier est lié au niveau d’entrée dans la crise. En 2019, la dette publique en pourcentage du PIB était à 97 % en France, contre 59 % en Allemagne, un écart de 38 points de PIB, alors que ces ratios de dette étaient comparables en 2007 avant la crise des subprimes. Donc la dérive des finances publiques françaises s’opère sur la période 2008-2017 sans correction ultérieure.

Le second est pire et concerne l’avenir. Le gouvernement a publié en juillet son programme de stabilité 2022-2027 qui fait apparaître un incroyable laxisme dans la gestion des finances publiques de la France à l’horizon du quinquennat. La dette publique serait au même niveau en 2027 qu’en 2022, soit 113 % du PIB, ce qui ne laisse aucune marge de manoeuvre en cas de nouveau choc macroéconomique international. Sachant que les chocs majeurs coûtent à la France une quinzaine de points de PIB, soit le double qu’en Allemagne, nous serions très vite en très grande difficulté financière. Le déficit public reste égal ou supérieur à 5 % du PIB en 2023, soit le maintien du déficit de 2022 ! L’incapacité du gouvernement de mener des réformes structurelles portant sur la dépense de protection sociale ou celle des collectivités locales devient un problème stratégique majeur qui porte atteinte à notre souveraineté financière au moment où nous devons renforcer considérablement nos capacités militaires.

La crise énergétique est un autre signal de l’impuissance stratégique des autorités publiques actuelles. L’actuelle Première ministre axe toute sa politique énergétique sur les restrictions de consommation et les punitions qui seront infligées aux entreprises qui ne respectent pas les « instructions » publiques. Aucune perspective n’est offerte en matière d’augmentation des capacités de production électrique. Or si l’on veut réussir la transition énergétique tout en réindustrialisant le pays, il faudra doubler la production électrique sur une vingtaine d’années afin de réduire la consommation de pétrole et éliminer le charbon.

La crise des finances publiques françaises est avant tout un élément de la crise générale de la décision publique qui s’affirme depuis dix ans comme mentalement bloquée sur le court terme, archaïque dans ses choix et limitée à des processus administratifs qui dévitalisent une nation autrefois tournée vers l’avenir, comme ce fut le cas dans les années 1960 et 1970 et dans une certaine mesure dans les années 1980. Quand sortirons-nous de trois décennies de renoncements ?

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