Les Echos – 30/01/2023

Christian Saint-Etienne montre que même si l’emploi va mieux, la réindustrialisation ne « prend » pas. Et explique ce qu’il faudrait faire pour inverser la tendance.

Comme j’aimerais, en ce début d’année, écrire que la France se réindustrialise ! Mais l’inverse est à l’oeuvre, en dépit de discours décalés du réel. Après l’épisode Hollande 1 (2012-2014), qui avait multiplié les discours et les mesures anti-riches, Hollande 2 (2015-2017) et Macron 1 (2017-2021) ont, eux, tenté de faciliter l’activité économique, notamment en réduisant les contraintes sur le marché du travail (lois El Khomri 2016, ordonnances sur le marché du travail 2017). En 2014, le CICE a été porté à 6 % de la masse salariale pour les rémunérations inférieures à 2,5 SMIC et remplacé par un allégement de cotisations sociales en 2019.

Cette politique a eu du succès en termes de créations nettes d’emplois. Mais en dépit de la baisse, en 2021, de 10 milliards d’euros desimpôts de production (qui demeurent trois fois plus élevés qu’en Allemagne ou en Suisse et 80 % plus élevés qu’en Italie en pourcentage du PIB), d’une baisse modérée du taux de l’IS à 25 % (qui reste supérieur de 5 points au taux d’IS moyen des pays européens compétitifs), les quelques mesures pro-entreprises depuis 2015 ont été noyées dans une politique pro-demande depuis la révolte des « gilets jaunes » et le choc Covid. Le déficit public a explosé et se maintiendra à 5 % du PIB cette année. La demande interne est financée par l’emprunt public, ce qui ne rassure pas les investisseurs industriels.

La valeur ajoutée manufacturière en France est tombée de 37 % en 2015 à 33 % en 2021 de la valeur ajoutée manufacturière allemande en euros et de 96 % à 84 % de la valeur ajoutée manufacturière en Italie sur la même période. Avec le même taux de change et les mêmes taux d’intérêt de Banque centrale, la France fait beaucoup moins bien que l’Allemagne, – nous sommes tombés au tiers de nos voisins – et que l’Italie aussi ! Notre performance est catastrophique et explique l’état pitoyable de notre commerce extérieur.

Notre production manufacturière est plus faible en 2021 en euros qu’en 2015 ! Sur la même période, elle a augmenté de 10 à 15 % chez nos voisins. En dépit du discours sur la start-up nation (mais les start-up importent plus de matériels et logiciels informatiques qu’elles n’exportent) et sur la production de Doliprane, rien n’est fait concernant les 300 médicaments en rupture qui conditionnent notre souveraineté de santé publique.

La réindustrialisation ne prend pas, et la comparaison France-Allemagne continuera de décevoir cette année compte tenu des investissements massifs de l’Allemagne dans l’énergie, l’automobile, les biotechs et les microprocesseurs.

Que faudrait-il faire ? Agir, tout simplement ! Réindustrialiser veut dire numériser, robotiser et électrifier l’ensemble du secteur productif, ce qui suppose de doubler la production électrique en deux décennies. Les annonces sur les EPR et le photovoltaïque (à base de panneaux importés de Chine…) ne permettront au mieux d’augmenter la production que d’un quart, d’ici vingt ans.

D’où viendra le reste ? Où est la filière nationale de photovoltaïque ? Quid des centrales pilotables au gaz décarboné ? Quid des investissements nécessaires dans l’hydroélectrique ?

Il faut créer un puissant ministère de la Réindustrialisation également responsable de la politique énergétique, de l’innovation et de la formation professionnelle. Il devrait être à l’oeuvre depuis cinq ans à la place des mesurettes qui ne visent à corriger qu’une fraction de nos handicaps. Faudra-t-il un mai 1940 industriel et militaire pour réveiller le pays ? Il se prépare : le commerce extérieur et l’endettement en sont les mèches.

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