Christian Saint-Etienne était l’invité de Thiphaine de Rocquigny dans l’émission « Entendez-vous l’éco ? » sur France Culture ce jeudi 2 novembre 2023.

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Trente ans après l’entrée en vigueur du traité de Maastricht, le 1er novembre 1993, la lutte contre l’inflation menée par la BCE se fait-elle au détriment de la croissance économique ?
Avec :

  • Natacha Valla Economiste et doyenne de l’École du management et de l’innovation à Sciences Po, ancienne directrice générale adjointe chargée de la politique monétaire à la Banque centrale européenne
  • Jérôme Creel Directeur du département des études de l’OFCE et spécialiste de l’UE, professeur à l’ESCP Business School
  • Christian Saint-Etienne Professeur émérite titulaire de la Chaire d’économie industrielle au Conservatoire National des Arts et Métiers

Le 26 octobre dernier, la BCE a annoncé maintenir son taux d’intérêt directeur à 4 %, après l’avoir augmenté à dix reprises depuis juillet 2022, où il était fixé à 0.5 %. Cette politique monétaire restrictive – inédite dans sa dureté depuis la création de la BCE, il y a trente ans, lors du Traité de Maastricht – a été décidée alors que le taux d’inflation en Europe atteignait des sommets (10.9 % en moyenne), boosté par la flambée du prix des matières premières et de l’énergie.
Si l’on observe une réduction sensible de l’inflation en Europe, il est de notoriété publique qu’une politique monétaire restrictive implique une contraction considérable du crédit et de la demande, et donc une forte réduction de l’activité économique. D’ailleurs, cela commence à se faire ressentir dans l’économie réelle : la croissance européenne est en berne et risque d’y rester pendant toute l’année 2024, au point où certains “géants” européens comme l’Allemagne font face à un fort risque de récession. De plus, de nombreux pays européens (comme la France) possèdent encore des niveaux de dette publique considérables, qui risquent d’exiger des mesures budgétaires restrictives de la part des gouvernements pour réduire les déficits.

La BCE parie sur la fin de l’inflation dans le courant de l’année pour favoriser la reprise économique : toutefois, si l’inflation a décéléré, celle-ci reste importante en cumulé ; et si les taux d’intérêt sont gelés, ils restent également élevés. Face à l’incertitude géopolitique au Moyen-Orient, certains craignent un nouveau choc pétrolier qui pourrait faire repartir l’inflation à la hausse. À cela s’ajoute la forte concurrence livrée par la Chine et les États-Unis à l’Union Européenne : isolée dans son libre-échangisme dans un contexte de retour des positions protectionnistes, l’UE voit ses perspectives de croissance d’autant plus entravées.
Face à ces enjeux, comment rebâtir une croissance économique solide ? Entre réindustrialisation, Green New Deal et taxes sur les exportations étrangères, nos trois invités y vont de leurs propositions.

Face à l’inflation, une action européenne ciblée

L’inflation est due à plusieurs facteurs. Certains, comme les prix de l’énergie, sont difficilement contrôlables, ce qui explique une persistance probable du phénomène dans les mois à venir. Comme l’explique Natacha Valla, « on ne maîtrise pas toutes les composantes de l’inflation. Ce qu’on cherche à maîtriser avec le resserrement de la politique monétaire, ce sont les éléments qui forment la demande intérieure, pour qu’elle ne vienne pas trop créer de tension sur les marchés des biens et des services. »

Les gouvernements, acteurs non négligeables de la lutte contre l’inflation

Si la BCE agit contre l’inflation, certains gouvernements ont pris une grande partie de l’inflation à leur charge. On pouvait s’attendre à ce que cette action publique accentue la hausse des prix, pourtant cela n’a pas été le cas, selon Jérôme Creel : « les gouvernements ont été beaucoup à la manœuvre pour lutter ou bien contre les effets de l’inflation sur le pouvoir d’achat, ou bien directement en empêchant certains prix d’augmenter, comme en France, en Italie et en Espagne. Ces mécanismes ont concouru à réduire l’inflation dans ces trois pays, là où l’Allemagne n’a décidé de mener une stratégie de lutte contre l’inflation que très tardivement. L’inflation a des effets redistributifs considérables.« 

Une croissance affaiblie par le manque d’initiative européenne

En plus de l’inflation, la dépendance énergétique de l’Europe et son retard dans la production de technologies sont autant de facteurs qui minent la croissance européenne. Selon Christian Saint-Etienne, « il y a une fragilité stratégique absolument majeure de l’Europe, qui plus est confrontée à une guerre à sa porte en Ukraine. Cela fait qu’il y a une sorte de gel, au niveau européen, des initiatives fortes qui se traduisent par la faiblesse de la croissance.« 

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