3e révolution indutrielleLes Echos – 11/02/2015

La situation économique de la France demeure grave : le déficit public ne se réduit pas, la dette progresse inexorablement, la situation du marché de l’emploi est très dégradée, les performances de l’école sont mauvaises et le chômage des jeunes est à un niveau insupportable, etc. Les événements de janvier ont conduit les Français à réaffirmer leurs valeurs, mais pour quel projet collectif ?

Le monde bascule d’un modèle 2.0 à un modèle 3.0 de développement technologique, économique et social. Le modèle 2.0 est celui de la deuxième révolution industrielle liée à la mutation technique provoquée par l’électricité et le moteur à explosion qui ont transformé la production et les modes de vie des Années folles aux Trente Glorieuses. Le modèle 3.0 advient par la révolution de l’informatique, de l’Internet, des micro-ordinateurs, tablettes et smartphones, qui a démarré dans les années 1980 et s’accélère depuis les années 1990 pour créer l’iconomie entrepreneuriale. Il est important de ne pas confondre iconomie entrepreneuriale et économie numérique. Le secteur de l’économie numérique concerne les activités de traitement de données utilisées par les ménages et les entreprises sous forme de communication (Facebook, Twitter), de jeux vidéo, de musique, d’images, de films, ou les systèmes de traitement de données permettant, par exemple, de mieux cibler la publicité et la mise en relation entre les personnes.

L’iconomie entrepreneuriale comprend l’ensemble des secteurs économiques dont l’activité et les modes opératoires sont transformées par l’informatique, l’Internet et les logiciels en réseau, l’économie entrepreneuriale de l’innovation et l’industrie des effets utiles, c’est-à-dire, peu ou prou et à des rythmes différents, la totalité de l’économie. L’iconomie entrepreneuriale est la nature nouvelle de l’économie quand on cultive les champs de blé avec des tracteurs reliés au GPS pour modifier de dix mètres en dix mètres les intrants afin d’améliorer les rendements sans abîmer les sols, quand on marque les conteneurs avec une puce qui permet à de puissants logiciels de déterminer les modes de chargement et déchargement des bateaux, ou quand on optimise le fonctionnement des systèmes énergétiques et logistiques, etc. Par exemple, les smart grids, c’est-à-dire les réseaux électriques intelligents, permettent d’optimiser la production, la distribution et la consommation d’électricité grâce à de puissants logiciels d’optimisation utilisant les données de compteurs électriques intelligents. L’objectif est d’économiser l’énergie et de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Les atouts de la France et sa capacité à bâtir un modèle 3.0 de développement économique et social sont considérables à condition de libérer les forces intellectuelles, scientifiques et techniques du pays. Il s’agit moins d’opérer des « réformes » que de changer de modèle, un modèle qui puise à nouveau dans nos traditions et savoir-faire et qui peut parfaitement être équitable, ce qui suppose une transformation de nos institutions. Nous devons formaliser le projet collectif favorisant l’essor d’une France 3.0 en phase avec le monde 3.0.

Mais comment promouvoir effectivement une France 3.0 ? Nous devons écrire un nouveau contrat social, créer de nouvelles institutions, fondées sur des valeurs affirmées avec force. De fait, le problème de la transformation de la France n’est pas d’abord économique mais politique. On ne changera pas la donne économique sans bouleversement politique.

L’intelligence française, qui peut être brillante et puissante, à la fois analytique et synthétique, n’est que très rarement capable d’être stratégique. L’intelligence stratégique est la capacité de se penser dans le monde en partant du monde. L’intelligence française pense le monde en partant de soi. C’est en prenant la mesure du monde 3.0 que l’on transformera notre pays.

La France, après un démarrage difficile, a pu se rétablir dans les deux premières révolutions industrielles – à partir de 1830 pour la première et de 1900 pour la seconde – car elles étaient « nationales » et le nombre de pays acteurs de ces changements était réduit. Dans la troisième révolution industrielle en cours, la mutation est globale et le nombre d’acteurs en forte augmentation. Le risque d’un déclassement brutal et durable apparaît pour la première fois, à cette échelle systémique, depuis la fin du XVIIe siècle. C’est dire l’enjeu de la compréhension des transformations en cours.

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