Le Figaro – 10/09/2015
Pour l’auteur, professeur titulaire de la chaire d’économie au Conservatoire National des Arts et Métiers, une réforme de la fiscalité du capital et des entreprises ainsi qu’une mutation du marché du travail s’imposent.
L’économie a connu une croissance nulle au deuxième trimestre et la fin de l’année ne sera pas brillante. Compte tenu de l’acquis de croissance, cette dernière pourrait atteindre 1 % cette année. Le chômage restera à un niveau historiquement élevé, même si une politique de radiation active des inscrits permet d’afficher une baisse minuscule que le président de la République Tartarin de Tulle transforme en épopée victorieuse.
L’investissement des entreprises progresse peu et se dirige trop massivement vers l’immobilier et insuffisamment vers les machines et outillages et la recherche et développement (R&D). L’emploi salarié a faiblement augmenté au deuxième trimestre, mais, sur un an, il baisse de 4 200 postes en dépit de la création de 27 000 postes dans les services et 20 500 dans l’intérim. Mais l’industrie et la construction ont détruit massivement de l’emploi sur un an et encore 20 000 postes au deuxième trimestre.
Pendant ce temps, l’économie allemande reste sur sa tendance de croissance de 1,5 % et développe son énorme excédent extérieur.
L’échec de la politique économique de François Hollande est patent. Depuis trois ans, le chômage a progressé de 650 000 personnes. La hausse massive des impôts et les mesures multipliant les contraintes sur les entreprises ont cassé les ressorts de l’économie productive. La légère contraction du déficit extérieur résulte de la baisse du prix du pétrole, le déficit hors pétrole ne baissant pas. Néanmoins, Tartarin vient d’annoncer de nouvelles baisses de l’impôt sur le revenu, totalement non financées, dans la mesure où le déficit public reste très élevé. 10 % des foyers fiscaux paient 70 % de l’impôt sur le revenu, ce qui alimente la hausse des expatriations. La part des foyers fiscaux payant l’impôt devrait passer de 52 % en 2013 à 46,5 % en 2015 dans le cadre d’une politique effrontée d’achat de clientèles qui ne suscite que l’ennui des médias.
Que faire pour relancer l’économie ?
Deux initiatives majeures devraient être prises rapidement : une réforme de la fiscalité du capital et des entreprises et une mutation du marché du travail.
La France a aujourd’hui la fiscalité du capital la plus lourde des cinq grands pays européens : Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie et Espagne.
Dans une économie moderne dominée par l’informatique dans les systèmes de production et de distribution et le numérique dans les applications interactives, où la localisation des activités est indifférente à condition de s’installer dans une métropole en expansion, la fiscalité du capital et des entreprises est décisive en termes d’attractivité des territoires. Une telle économie informatisée et numérisée, que l’on nomme iconomie, est hyperconcurrentielle, hypercapitalistique et hyperentrepreneuriale. Or la taxation des plus-values mobilières, qui est nulle en Belgique et aux Pays-Bas, est de l’ordre de 20 % en Italie et de 25 % en Allemagne, Royaume-Uni et Espagne. Mais elle atteint 42 % en France pour une durée de détention supérieure à deux ans, et 64,5 % si la durée est inférieure à deux ans. Une grande partie des rémunérations de l’iconomie étant constituée de plus-values, ces activités quittent la France.
L’impôt sur les sociétés (IS) variait en 2014 de 12,5 % en Irlande à 38 % pour les grands groupes en France, record d’Europe toutes catégories. Les pays les plus dynamiques ont des taux allant de 20 % au Royaume-Uni et 22 % en Suède à 25 % aux Pays-Bas et 30 % en Espagne et Allemagne.
La France est aussi le seul pays de l’Union européenne à avoir un impôt sur la fortune (ISF), seule l’Espagne ayant rétabli un impôt partiel sur la seule fortune immobilière.
Il n’y aura pas de reprise massive des investissements productifs en France sans une triple évolution de la fiscalité.
- Comme en Suède, fiscalité des revenus du capital (intérêts, dividendes, plus-values) à 30 % sous forme de prélèvement libératoire à la source.
- Compte tenu des contraintes budgétaires, taux d’IS à 20 % sur les bénéfices réinvestis et 30 % sur les bénéfices distribués,
- Suppression de l’ISF.
De même, le marché du travail reste bloqué par le mécanisme de l’embauche/débauche : dans une économie ouverte et fluctuante, il n’y a pas d’embauche si l’on ne peut pas débaucher en fonction de l’évolution de l’activité. Il faut donc une transformation radicale du marché du travail avec trois mesures fondamentales.
- Le contrat de travail doit être diversifié pour s’adapter à toutes les situations : CDD renouvelables de 6 mois, un an et 18 mois, contrats de mission pour la durée de celle-ci, possibilité donnée à la négociation collective de créer d’autres contrats correspondant à l’activité spécifique des branches et des entreprises et incluant des clauses de rupture spécifiques.
- Doublement immédiat des seuils sociaux, notamment le seuil de 50 salariés, et liberté conventionnelle pour organiser la représentation interne des travailleurs dans l’entreprise.
- Liberté conventionnelle pour créer des salaires minima de branche (dans le cadre d’une fusion des branches de 700 à 70), le smic étant gelé en nominal jusqu’à ce que le nombre de chômeurs en catégorie A passe en dessous de un million, puis revalorisation selon l’indice hors tabac.
La France n’intéresse plus le reste du monde : non seulement on note l’arrêt des investissements étrangers de création d’activité nouvelle sur le territoire depuis trois ans, mais même les réfugiés désespérés du Moyen-Orient veulent aller en Allemagne et au Royaume-Uni, deux pays alignés sur ce qui est préconisé ici, plutôt que dans une France statufiée et clientéliste. Quelle claque à l’arrogance de nos pseudo-élites administrativo-politiques et archéo-bêlantes !
Le choix est simple : il faut débloquer le système en urgence ou se muséifier définitivement.
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