Les Echos – 30/03/2016
Les attentats djihadistes posent des questions majeures sur les plans politique, économique et social. Sur le plan politique, c’est la communauté nationale qui est visée dans son existence, ses valeurs et ses comportements. Au quotidien, chacun s’occupe de ses affaires selon ses priorités et avec ses contraintes. Dans le contexte d’attentats terroristes non ciblés, violents et répétés, l’incertitude s’accroît de façon majeure. Le simple fait de prendre le train, le métro, le bus, l’avion ou de marcher en zone dense exige une vigilance accrue. Un paquet oublié peut être une bombe, deux ou trois hommes avec des sacs de sport peuvent être des terroristes, une femme avec des vêtements amples une kamikaze. On limite alors ses déplacements à l’essentiel.
De plus, quand les assaillants sont issus d’un même groupe ethnique et/ou religieux, une fissure supplémentaire mine la société. En temps normal, cette dernière est déjà fissurée par le chômage de masse, les comportements non coopératifs, les expressions de violence ouverte ou larvée. S’ajoute une séparation souterraine : ce voisin ou cette personne dans les transports que je voyais à peine devient une menace immédiate possible.
Face à ces transformations ouvertes ou silencieuses, la seule réponse politique est de simultanément en appeler aux intérêts supérieurs du groupe ou de la nation tout en investissant dans des actions sécuritaires ciblées : renforcement des contrôles généraux physiques mais surtout actions de renseignements policière et militaire permettant de cerner et anticiper les menaces. Il faut généraliser dans les lieux publics les caméras reliées à des logiciels analysant les comportements anormaux, avec des forces en mesure d’agir immédiatement. La France dispose d’entreprises technologiques de haut niveau qui vendent surtout leurs systèmes hors de France en l’absence d’intérêt national. Il faut structurer ce secteur et investir sur la durée dans ces systèmes de collecte et traitement d’informations ciblées qui se révèlent bien plus efficaces dans la prévention des risques.
Sur le plan économique, les entreprises font face à une source supplémentaire de variations d’activité aggravées par la désorientation temporaire ou durable des salariés dans leurs comportements et leurs attentes. La flexibilité du système économique devient une nécessité encore plus forte. Mais l’Etat stratège doit contrer cette augmentation de l’incertitude de deux façons. D’abord, en maintenant la commande publique et notamment ses investissements. Ensuite, en intégrant les variations sectorielles d’activité dans ses instructions de contrôle fiscal et social des acteurs économiques.
Sur le plan social, la méfiance entre les acteurs s’accentue. De multiples analyses sociologiques montrent que les Français opèrent beaucoup plus que les populations du nord de l’Europe dans un univers de défiance et de comportements non coopératifs, par exemple entre travailleurs en CDI envers ceux en CDD ou entre personnes ayant un emploi vis-à-vis des autres. La montée globale de l’incertitude devrait conduire à accélérer la mutation de ces comportements. Si les acteurs sociaux refusent ces évolutions, il appartient au pouvoir politique de prendre ses responsabilités. L’Etat peut être amené à intervenir directement dans la gestion de certains services publics. Par exemple, il peut décider de réformer directement le système d’assurance-chômage pour accélérer la formation des chômeurs et leur orientation vers les secteurs qui offrent les centaines de milliers d’emplois aujourd’hui non pourvus.
La violence aveugle est une menace à la fois totale et immédiate sur le groupe ou la nation. Elle peut accentuer les difficultés du pays ou l’inciter à rebondir. C’est à nous, tous ensemble, de répondre par un discours politique exigeant et une politique stratégique déterminée.
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