Les Echos – 09/06/2016

On nous promet la fin du monde si Londres quitte l’Union européenne. C’est évidemment stupide. D’abord, le Royaume-Uni restera physiquement en Europe et le Channel ne va pas s’élargir ! Ensuite, la sortie de Londres devra être négociée et ne sera effective qu’à la suite d’un accord de sortie qui lui accordera un statut proche de celui de la Suisse. Enfin, tous les traités autres que celui de l’Union européenne continueront de s’appliquer au Royaume-Uni (Otan, ONU, FMI, OCDE, traités bilatéraux avec les pays européens, etc.).

Londres ne perdra qu’en partie son statut de place financière de la zone euro dans la mesure où les banques britanniques verront leur accès aux guichets de refinancement de la BCE se réduire, sans disparaître car les accords entre la BCE et la Banque d’Angleterre seront maintenus, voire élargis. Le seul risque pour Londres aurait été que la France saisisse cette opportunité pour tendre la main aux acteurs financiers londoniens souhaitant rester dans la zone euro en mettant en oeuvre une nécessaire réforme de la fiscalité du capital et de l’impôt sur les sociétés sur la base d’un taux unique de 25 %. Mais le dogmatisme des autorités et le rejet de la finance par une part importante de la population, alors que la France excelle dans cette discipline, constituent une garantie de fer contre toute stratégie intelligente éventuellement menée par la France. Le gouvernement britannique peut dormir tranquille.

Le changement principal sera politique : Londres perdra son rôle de blocage systématique de toutes les tentatives d’intégration européenne et notamment celles de la zone euro. Le Brexit serait alors une opportunité historique de renégocier les traités concernant l’Union économique et monétaire au sein de l’Union européenne.

Mais, pour renégocier les traités, faut-il encore avoir une vision, une volonté et une crédibilité.

La vision doit reposer sur une réalité théorique et pratique fondamentale : il n’y a pas de monnaie sans un Etat souverain qui en assure la garantie. Il n’y a pas, dans trois mille ans d’histoire monétaire, d’exemple de divorce durable entre souveraineté monétaire et souveraineté politique. Soit on fédéralise sur le plan économique un noyau dur d’une dizaine de pays pour donner une assise politique à l’euro, soit cette monnaie, en dépit de son existence technique réussie, disparaîtra.

Ce noyau dur comprendrait, autour de la France et de l’Allemagne, l’Autriche, le Benelux, l’Italie, l’Espagne et le Portugal, et tous les pays de l’actuelle zone euro acceptant de mettre en place un gouvernement économique de la zone, une coordination fiscale et sociale avec notamment un taux minimum de 20 % et un maximum de 30 % sur la fiscalité du capital et de l’impôt sur les sociétés, et un budget spécifique à la zone euro pour financer un réseau d’universités de rang mondial et l’investissement dans des infrastructures modernes.

Pour réaliser une telle vision, il faut des acteurs volontaires et visionnaires. Mme Merkel, qui gère l’héritage des réformes faites par son prédécesseur, biaise sur tous les sujets et ses rares décisions, comme celles sur la sortie du nucléaire et les réfugiés, sont impulsives et souvent dangereuses. M. Hollande est le pire président depuis trente ans, sachant que la barre était déjà basse.

Si, par miracle, la France avait tout à coup un gouvernement volontaire, il faudrait mettre en oeuvre des réformes pour contrôler la dépense publique, interdire constitutionnellement le déficit de la Sécurité sociale et limiter fortement celui des collectivités locales à moins du tiers de leur budget d’investissement correspondant à l’investissement net, rendre le marché du travail plus fluide et introduire un menu de contrats de travail permettant de lutter contre un chômage devenu endémique, réformer la fiscalité et faciliter la croissance des PME et des ETI. La crédibilité retrouvée de la France lui permettrait de forcer l’Allemagne à aller de l’avant sur une voie constructive pour l’Europe.

Mais il n’y a ni vision en Allemagne ni volonté et crédibilité en France.

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