Les Echos – 10 avril 2024

Face à l’évolution du secteur agricole en France dans les années à venir, il faut mettre en place des contrats écologiques à destination de certaines exploitations.

La crise agricole n’est pas terminée. Elle durera aussi longtemps que l’Union européenne n’aura pas décidé que la souveraineté alimentaire est le fondement de la souveraineté politique avec la défense, la finance et l’énergie.

En ce qui concerne la France, les ajustements structurels intervenus depuis six décennies n’ont fait que préparer ceux des dix prochaines années qui vont se dérouler comme un film accéléré. Soit le monde agricole réalise le film, soit il sera réalisé par d’autres. Fin 2024, la France comptera 380.000 exploitations, d’une surface moyenne de 70 hectares. Un quart d’entre elles mobiliseront 62 % de la main-d’œuvre agricole et réaliseront 80 % de la valeur ajoutée brute au coûtes facteurs – subventions d’exploitation (moins impôts sur la production) comprises.

Des revenus chaotiques

On ne réglera jamais les problèmes de l’agriculture si l’on ne veut pas voir qu’il y en a trois : 100.000 exploitations agricoles compétitives exploitent 70 % de la surface agricole utile, et 90.000 exploitations de moins de 5 hectares, horticoles ou ne fournissant qu’un complément de revenus à des personnes ayant une autre activité principale, exploitent ensemble moins de 1 % de la surface agricole utile (bien lire 1 %) ! Entre les deux, 190.000 exploitations exploitent 29 % de la surface agricole utile.

On peut s’attendre à ce qu’il y ait 280.000 exploitations agricoles en 2035, soit 100.000 de moins. Il est vraisemblable que les 100.000 exploitations compétitives exploiteront 75 % de la surface agricole utile contre 50.000 exploitations, souvent horticoles ou de complément de revenus, de moins de 5 hectares toujours sur moins de 1 % de la surface agricole. Environ 130.000 exploitations intermédiaires travailleront 24 % de la surface agricole.

Cette évolution spectaculaire doit être complétée par une approche « revenus ».

1/ Même dans les 100.000 exploitations compétitives, un cinquième des fermes assurent à peine un revenu au SMIC quand les prix sont bas, mais l’ensemble est puissant et doit diversifier ses revenus grâce à la production d’énergie et de services.

2/ La forte baisse du nombre d’exploitations de moins de 5 hectares, en lien avec le vieillissement de la population, relève du microsocial et ses effets peuvent être atténués par le développement des services à la ferme et la vente directe.

3/ La taille des exploitations intermédiaires devrait augmenter dans la mesure où les 100.000 compétitives ne cherchent pas à capter les petites surfaces qui ne sont pas nécessairement sur les mêmes territoires. En dépit de cette hausse de la taille des fermes intermédiaires, leurs revenus resteront chaotiques et c’est dans cette population que naissent les crises récurrentes.

Dans ce contexte, faut-il mettre en place des prix garantis ? Cela n’a pas de sens car les principaux bénéficiaires seraient les 100.000 compétitifs.

En revanche, un tiers des intermédiaires auront des revenus inférieurs au SMIC de façon permanente. Il faut leur offrir, en fonction des territoires, des compléments de revenus, de l’ordre d’un demi-SMIC mensuel net payé en honoraires, sous forme de quelques dizaines de milliers de contrats écologiques mobilisant 50 journées de travail sur l’année, pour travailler les haies, les petites forêts sous le contrôle de l’ONF, et consolider les chemins sous le contrôle des communes.

Ces contrats écologiques seront facilités par une politique de remembrement des forêts avec entretien obligatoire facilité par l’essor de syndicats mixtes rassemblant plusieurs parcelles.

Cette politique globale permettra d’augmenter l’absorption naturelle du carbone et d’identifier les agriculteurs qui sont réellement prêts à diversifier leurs revenus pour rester sur leur territoire.

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