Le Figaro – 29 octobre 2018

Emmanuel Macron s’est fait le chantre de l’intégration européenne. Il a tout misé sur l’axe franco-allemand en espérant créer une dynamique que personne ne pourrait arrêter. Le président a pris la tête de la lutte contre les démocraties illibérales en personnalisant le débat : Macron contre Orban. Il était convaincu d’une rapide victoire.

Pourtant la machine s’est enrayée. La zone euro n’a pas les institutions nécessaires pour sa survie et les économies des pays de la zone sont de plus en plus hétérogènes.

Le PIB par habitant a décroché de plus de 11 % en France par rapport à l’Allemagne de 2005 à 2017, de 12,5 % en Espagne et de 15,5 % en Italie. C’est-à-dire qu’en relatif, Français, Espagnols et Italiens se sont respectivement appauvris de 11 %, 12,5 % et 15 % par rapport aux Allemands alors que l’euro devait favoriser la convergence des niveaux de vie entre pays membres.

La théorie économique montre que l’unification monétaire de territoires aux dotations économiques différentes entraîne une spécialisation de ces territoires en termes d’activité sans garantir une homogénéisation des systèmes financiers. Les pays gardant alors une industrie puissante et un système financier solide peuvent financer investissement productif, recherche et développement et innovation de produits et services. L’Italie et l’Espagne, ayant subi une crise financière forte dans les années 2010-2015, ont eu du mal à résister à la pression concurrentielle des pays du nord de la zone euro.

La France a mieux résisté au moment de la crise, grâce à la puissance de son système financier, mais n’a pu éviter un recul de sa compétitivité sous l’effet de l’alourdissement du coût du travail et du recul du poids de son industrie manufacturière qui s’est accéléré depuis quinze ans. Il a fallu attendre la mise en œuvre du pacte de responsabilité en 2015 et la réforme du marché du travail à l’automne 2017 pour que travail et industrie retrouvent partiellement leurs lettres de noblesse après une éclipse de deux décennies qui a dévasté l’économie française et conduit à un déficit extérieur croissant depuis 2004. La dette extérieure de la France – à ne pas confondre avec la dette publique qui est interne – dépasse aujourd’hui 500 milliards d’euros. La contribution négative du commerce extérieur à la croissance, totalement liée à notre effondrement industriel, nous a coûté près d’un demi-point de croissance par an depuis quinze ans.

Le poids moyen pondéré de l’industrie manufacturière est de 18,5 % du PIB en Allemagne, Pays-Bas et Autriche, alors qu’il n’est que de 12,5 % du PIB en France, Italie et Espagne. Or l’industrie exporte environ la moitié de sa production dans tous les pays.

Pour faire face à l’hétérogénéité croissante dans une zone monétaire intégrée, il faut la doter d’un budget permettant d’impulser la modernisation industrielle des pays membres et de construire des infrastructures communes, mieux coordonner les politiques économiques internes et mettre fin à la concurrence fiscale et sociale entre ses membres. Soulignons qu’il n’y a pas de concurrence fiscale et sociale entre les cinquante États américains, soumis au même droit fédéral (à l’exception des taxes à la consommation).

Un accord franco-allemand sur l’avenir de l’Union européenne et de la zone euro a été présenté le 19 juin à l’issue d’un séminaire de travail au château de Meseberg, à côté de Berlin. Or si cet accord évoque un projet de budget de la zone euro, l’Allemagne n’envisage de le doter qu’à hauteur de 0,1 à 0,2 % du PIB de la zone, et non à la hauteur souhaitable de 3 % du PIB. Fin juin, les autres pays de la zone euro ont repoussé tout accord éventuel à un sommet européen en décembre 2018. Certains pays ont même indiqué qu’il n’était pas question de mettre en place un tel budget. Pour ce qui est de la concurrence fiscale et sociale, aucun progrès réel n’a été réalisé.

Macron a commis une erreur d’analyse. Le nord de la zone euro refuse de renflouer les finances publiques des pays du sud de la zone. La seule façon d’imposer un budget significatif est de financer une initiative puissante de recherche et d’innovation dans l’intelligence artificielle, la 5G et la voiture autonome, comme l’a indiqué le ministre allemand de l’Économie, Peter Altmaier, en juillet. Or Macron louvoie et penche davantage pour un budget de redistribution. Il rêve qu’un tel budget lui permettrait d’éviter certaines réformes structurelles en France pour réduire la dépense publique.

Le rêve du président français est mort-né. Il n’y aura ni budget pour renflouer le Sud, ni budget pour moderniser la zone euro. Même sur le terrain politique, les Allemands n’apprécient pas la tentative de Macron d’opposer « progressistes » et « nationalistes » au niveau européen alors que, pour eux, la question du populisme doit se régler au niveau national par une politique d’inclusion des perdants de la mondialisation.

Macron échoue sur la réforme institutionnelle de la zone euro car il poursuit trop d’objectifs en vrac sans identifier et privilégier des objectifs clés et compte sur la vitesse d’exécution pour écraser les autres. Mais le président français n’est plus le plus rapide. Et ceux qui s’opposent à ses projets savent exactement ce qu’ils veulent ou ne veulent pas et exécutent rapidement les manœuvres pour le bloquer.

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