La Croix – 13 janvier 2019

Un big bang fiscal est-il réalisable ? La réponse de Christian Saint-Étienne, économiste, professeur au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam).

Le grand défaut français, c’est de penser notre fiscalité comme si nous étions une économie fermée. C’est absurde, car nous sommes dans une économie doublement ouverte, par la mondialisation et par la concurrence fiscale au sein même de l’Union européenne. Nous sommes entourés de pays qui ont décidé de fiscaliser bien moins la création de richesse et le patrimoine.

Des changements d’ampleurs sont donc nécessaires et certaines réformes récentes ont d’ailleurs ouvert le chemin, comme la baisse du taux d’impôt sur les sociétés ou la mise en place d’un prélèvement forfaitaire sur les revenus du capital. Il faut aller plus loin et entreprendre une grande réforme qui nous ramène au moins dans la moyenne européenne. C’est la seule façon d’éviter que le pays ne s’appauvrisse.

De plus, cela ne va pas conduire à minorer nos recettes, bien au contraire. L’exemple le plus spectaculaire, c’est l’impôt sur les sociétés. En Irlande, où son taux est de 12,5 %, il rapporte par rapport au PIB plus que chez nous où son taux est double.

La priorité d’une grande réforme doit donc être de remettre à plat totalement les prélèvements sur le capital. Je propose par exemple de supprimer l’IFI, la tranche à 45 % du barème de l’impôt sur le revenu ou de diminuer à 25 % le prélèvement forfaitaire sur les revenus du capital. Cela permettrait au moins de nous rapprocher de nos voisins européens qui, pour beaucoup, n’ont pas d’impôt sur les plus-values ni sur le patrimoine.

Si une telle réforme est indispensable, il faut reconnaître qu’elle est difficile à faire accepter dans le contexte français. Notre particularité, c’est de développer une très forte demande de taxation des riches, ce qui revient à dire qu’il faut taxer les autres, ou tous ceux qui nous paraissent un peu mieux lotis. C’est étrange, mais c’est ainsi. Toute réforme de grande ampleur devra donc comporter des correctifs pour répondre à cette aspiration.

On pourrait imaginer de mettre en œuvre un impôt spécifique, qui ne s’appliquerait que sur les plus hauts revenus. Je propose par exemple 1 % au-delà de 100 000 €, 2 % au-delà de 200 000 € et 3 % au-delà de 300 000 €. Si cela est nécessaire, on peut encore rajouter des tranches, au-delà de 500 000 € ou 700 000 €. Ce dispositif permettrait d’apporter un correctif politique à une réforme économique, tout en agissant sur les inégalités en taxant les gros revenus issus du patrimoine mais aussi les primes des traders.

Des réformes d’ampleurs sont donc parfaitement possibles. Mais il faut aussi prendre conscience qu’aucun changement de ce type ne fera jamais consensus. Faire aboutir une telle réforme nécessite donc d’engager un grand poids politique. Cela aurait sans doute été faisable dans la foulée de l’élection présidentielle. Dans la période actuelle, en revanche, on imagine mal le gouvernement se lancer et réussir un tel chantier.

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