Les Echos – 17 avril 2020

La crise sanitaire liée au Covid-19 frappe le genre humain avec une violence inouïe. Les gouvernements des pays développés ont été surpris par la crise, car la Chine a menti sur le point de départ de la pandémie et sur sa létalité.

La Chine a déclaré un peu plus de 3.000 morts du Covid-19, mais des sources indépendantes placent le chiffre exact entre 40.000 et 90.000. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a prononcé l’état d’urgence de santé publique de portée internationale le 30 janvier et l’état de pandémie le 11 mars, mais l’appréciation de la létalité du Covid-19 reste fondée sur les faux chiffres chinois.

Les gouvernements occidentaux n’étaient pas préparés. Lorsque la pandémie les frappe de plein fouet en mars, ils manquent de masques, de tests, de lits de réanimation et de respirateurs. Mais la France reste un cas d’école. Alors que ses dépenses de santé en pourcentage du PIB et par habitant sont respectivement supérieures à celles de l’Allemagne et très supérieures à la moyenne des pays de l’Union européenne, la France aborde la crise avec 5.000 lits de réanimation, contre 28.000 en Allemagne. Elle a détruit l’essentiel de ses stocks de masques entre 2013 et 2017 et, sous l’effet d’une désindustrialisation massive depuis vingt ans, ne parvient pas à produire des masques, des tests et des respirateurs en nombre suffisant.

Le système hospitalier français est lourd, suradministré et sous-équipé et ne fait face difficilement à la pandémie que grâce à l’héroïsme de ses soignants.

En partie pour créer l’illusion que l’Etat prend soin du pays, les plus hautes autorités de santé conseillent de prolonger longtemps le confinement au 11 mai. En réalité, pour en sortir, il faut quatre instruments : des tests PCR pour voir qui est malade (les tests sérologiques n’étant utiles qu’après pour connaître la proportion de personnes ayant eu la maladie), des masques et des gestes barrières, 25.000 lits de réa et des chambres d’hôtel pour isoler les porteurs sains du reste de la population.

Le risque aujourd’hui est que les autorités civiles ne perçoivent pas que la crise économique et politique qui se prépare est infiniment plus grave que la crise sanitaire. Avec un déconfinement repoussé au 11 mai, le PIB va baisser d’au moins 8 % cette année, le déficit public sera supérieur à 9 % du PIB et le chômage va augmenter de plus d’un million en réel. Même avec un rebond de 4 % de l’activité, la dette sera proche de 120 % du PIB et le taux de chômage réel supérieur à 12 %. Les conséquences politiques au printemps 2022 seront sans limite.

Pour les moins de 65 ans n’ayant pas de pathologie invalidante, il faut entamer le déconfinement avant fin avril tout en maintenant l’interdiction des rassemblements de plus de 20 personnes en dehors des lieux de travail jusqu’à fin mai et peut-être plus. Les lieux culturels, les parcs et jardins et les loisirs devront probablement rester fermés plus longtemps encore. Les écoles doivent rouvrir début mai. Les restaurants pourront rouvrir avec mesures barrières dures. Il faut masquer les travailleurs dans les transports et passer en urgence à 100.000 tests PCR par jour tout en réservant 200.000 chambres d’hôtel pour isoler les testés positifs en quarantaine s’ils ne vivent pas seul.

Le risque de prolonger le confinement jusqu’au 11 mai, ou au-delà comme semble vouloir nous y préparer le ministre de l’Intérieur, n’est pas pris en compte en termes de dynamique économique et sociale. Je mesure les risques sanitaires, ma famille ayant été mortellement touchée par le Covid-19. Mais je connais les effets d’une crise économique et sociale grave : Allemagne des années 1920 et Etats-Unis et France des années 1930. Une crise franche des finances publiques peut nous conduire à baisser les salaires des fonctionnaires de 10 % et les retraites de 20 %.

L’arbitrage entre crise sanitaire et crise économique et sociétale est difficile. L’excès de pusillanimité peut être pire que le terrifiant Covid-19.

Crédit photo : Victor He

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