L’Opinion – 20/01/2021

Christian Saint-Etienne propose d’accompagner le plan de relance d’un apport en fonds propres de 70 milliards pour les entreprises, d’un suramortissement pour tous les investissements en machines et équipements, et encourage à renégocier les créances par des procédures de conciliation au niveau régional.

Il faut comprendre un point clé concernant cette crise qui dure et dure… La baisse de la production économique n’affecte pas tous les secteurs de la même façon : toute l’activité n’a pas baissé de 10 % en 2020 et ne va pas rebondir de 5 % en 2021. En équivalent PIB, 20 % de l’économie continue de croître sur ces deux années, environ 60 % de l’économie va chuter d’un dixième et rebondir modestement, mais 20 % de l’économie va être massivement restructurée ou disparaître. Des mesures uniformes, dans ce contexte, n’ont pas de sens.

Le plan de relance de l’automne 2020, à juste titre, veut favoriser la transition énergétique pour 30 milliards d’euros, les relocalisations industrielles pour 35 milliards d’euros et la cohésion sociale et territoriale pour 35 milliards d’euros. Ce plan structurel en trois volets est plutôt bien conçu, mais il manque un quatrième volet qui accélère l’essor des entreprises en plein développement, préserve l’investissement des 60 % de l’économie productive qui se rétracte, et contribue à une restructuration rapide des 20 % de l’économie en perdition.

Fonds propres. Ce volet est constitué de trois éléments : 1/un apport en fonds propres de 70 milliards d’euros aux entreprises viables du secteur marchand, 2/une mesure autorisant l’amortissement fiscal en deux ans de tous les investissements en machines et équipements, notamment les robots et le numérique, à condition d’être commandés avant le 30 septembre 2021 (commande finalisée) et installés et opérationnels avant le 31 décembre 2022, 3/pour éviter les défaillances des entreprises viables, il faut encourager la renégociation des créances par des procédures de conciliation gérées par des commissions régionales présidées par la Banque de France, incluant le Trésor public, Bpifrance, la région.

Ces commissions interviennent en amont des procédures collectives et sans publication des décisions et visent à favoriser, pour chaque entreprise débitrice ayant fait une demande, un abandon partiel de créances par les créanciers privés (banques, foncières, personnes morales et physiques) et publics (Urssaf, Fisc, etc.) en contrepartie d’un crédit d’impôt pour les créanciers privés pouvant atteindre 40 % des montants abandonnés et de prises de participation en fonds propres ne dépassant pas 35 % du capital des entreprises dont le passif est restructuré. Les entreprises débitrices candidates pour ces commissions doivent avoir été bénéficiaires en 2018 et 2019 et doivent avoir des fonds propres positifs au 31 décembre 2020.

En ce qui concerne le premier élément (apport national de 70 milliards d’euros de fonds propres), qui vise à recapitaliser les entreprises viables n’ayant pas de difficultés immédiates liées à un excès d’endettement, mais qui hésitent à investir massivement dans l’innovation et la transformation de leur système de production ou de distribution, l’Etat doit apporter 20 milliards d’euros et les compagnies d’assurance, les banques et les fonds d’investissement 50 milliards d’euros avant le 30 juin 2022 à des entreprises solvables sous forme de fonds propres et quasi-fonds propres (la moitié des 70 milliards doit être engagée avant le 30 septembre 2021).

Partenariat public-privé. Dans l’approche originale exposée ci-dessous, l’Etat intervient en binôme avec un autre acteur (banque, compagnie d’assurance, fonds d’investissement) pour un ensemble d’opérations incluses dans un portefeuille d’opérations. L’Etat qualifie les opérateurs admis à travailler avec lui en binôme : il peut y en avoir une centaine ou plus. Les candidats doivent être des banques, compagnies d’assurance, family offices et fonds d’investissement ayant leur siège dans l’Union européenne, ayant plus de 100 millions d’euros de fonds propres et détenant au 31 décembre 2020 des actions ou des créances sur des entreprises françaises d’une valeur supérieure à 500 millions d’euros afin de démontrer une connaissance préalable du tissu économique et juridique français.

Pour chaque portefeuille, l’apport de l’Etat doit couvrir jusqu’à 50 % des pertes nettes de chaque portefeuille de nouveaux investissements en fonds propres avec des apports pour chaque entreprise bénéficiaire qui peuvent varier de 50 000 euros à 500 millions d’euros selon la nature de l’entreprise et de ses projets, le solde de pertes étant couvert au prorata des apports. Les gains par portefeuille sont partagés au prorata des apports.

Compte tenu de cette garantie publique de prise en charge de 50 % des pertes par portefeuille, les fonds apportés par les acteurs agissant en binôme avec l’Etat sont considérés comptablement comme des obligations dont le capital est garanti à hauteur de 90 %, le solde de 10 % – correspondant à la perte statistique maximale probable – étant enregistré en actions.

La quote-part de l’Etat de 20 milliards d’euros se traduit par un apport de 5 milliards d’euros de l’Etat à Bpifrance qui administre le programme avec ses équipes et celles des banques, fonds d’investissement et compagnies d’assurance. Les 15 autres milliards sont prélevés sur les fonds du livret A (soit moins de 5 % de ces fonds) avec une garantie de l’Etat.

C’est le meilleur usage social que l’on puisse faire du livret A car ce plan d’investissements en fonds propres permettrait de consolider et créer beaucoup d’emplois, d’augmenter le taux de croissance du PIB, de multiplier le nombre de grosses PME et d’ETI, et de réduire à terme le déficit extérieur. Pour chaque euro en fonds propres, l’entreprise peut emprunter 0,50 euro à moyen terme, ce qui permet de réaliser, avec 70 milliards d’apports en fonds propres, plus de 100 milliards d’euros d’investissements en machines et outillage, notamment robots et systèmes numériques. Seuls ces derniers peuvent permettre de réellement relocaliser l’emploi.

On peut compléter ce programme de recapitalisation de l’économie productive par une distribution de bons d’achat à hauteur de 5 milliards d’euros aux familles à faible revenu, notamment monoparentales, avec pour but de provoquer un mini-boom de consommation dès qu’on sortira du confinement/couvre-feu en mars 2021 tout en aidant les familles pauvres à échapper à la misère. Les bons d’achat sont de 200 euros chacun.

Chaque famille ayant un revenu annuel inférieur à 18 000 euros pour au moins trois personnes par foyer, par exemple un parent isolé et deux enfants, reçoit de 2 à 4 bons avec un mois d’espacement. Ces bons ne permettent d’acheter que des biens de première nécessité sur le territoire français et leur valeur tombe à zéro s’ils ne sont pas dépensés en six semaines. Il s’agit d’éviter l’éparpillement et une éventuelle thésaurisation.

Il faut aller vite.

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