L’Opinion – 25/04/2021
Pour ne pas accentuer le retard dans les capacités des acteurs français du cloud, le pays doit simultanément développer ses capacités internes mais aussi s’allier, comme l’Allemagne, avec l’un des puissants acteurs du cloud mondial.
Le cloud concerne les activités d’infrastructures informatiques, de plateforme ou de logiciel hébergés sur les systèmes de fournisseurs extérieurs et mises à disposition du client par Internet. Le cloud se décompose en 1) Infrastructure as a Service (IaaS), l’infrastructure est fournie par Internet et l’utilisateur peut contrôler directement l’infrastructure grâce à une interface de programmation d’application (API) ou un tableau de bord, 2) Platform as a Service (PaaS), le matériel et les logiciels de la plateforme sont fournis et gérés par un prestataire de services extérieur, et 3) le Software as a Service (SaaS), qui permet d’utiliser une application gérée par un prestataire extérieur. En France, le marché des services cloud est de l’ordre de 15 milliards d’euros dont 35 % pour l’IaaS, 15 % pour le PaaS et 50 % pour le SaaS. Il croît de plus de 20 % par an.
Dans l’Union européenne à 27 (UE27), 36 % des entreprises utilisaient en 2020 un ou plusieurs services cloud. Le taux d’utilisation est de 26 % en Espagne, 27 % en France, 33 % en Allemagne, 59 % en Italie, 70 % en Suède et 75 % en Finlande (Source : Eurostat, Cloud computing, janvier 2021). Parmi les 36 % d’utilisateurs de cloud dans l’UE27, les usages sont de 76 % pour l’e-mail, 67 % pour le stockage de dossiers, 58 % pour l’utilisation de software, 47 % pour stocker ses bases de données, 45 % pour des applications de comptabilité et finance, 27 % pour des applications de CRM, et 24 % pour des capacités de calcul sur les logiciels de l’entreprise cliente.
Le cloud est un environnement où la présence mondiale et la capacité à industrialiser les opérations de traitement à grande échelle sont des avantages compétitifs massifs
Rattrapage. Amazon Web Services (AWS) a inventé le marché du cloud en 2006 et est le premier opérateur mondial du cloud public (IaaS et PaaS) avec une part de marché de 35 % contre 20 % pour Microsoft Azure et 10 % pour Google Cloud (d’après Synergy research group). Le cloud est un environnement où la présence mondiale et la capacité à industrialiser les opérations de traitement à grande échelle sont des avantages compétitifs massifs.
L’utilisation du cloud en France, en dehors des grandes entreprises et des ETI (entreprises de taille intermédiaire) est encore trop limitée. Ce retard vient de la trop faible numérisation des TPE-PME. Un double rattrapage s’impose en termes d’utilisation du numérique et du cloud. De fait, le cloud est souvent le meilleur moyen de rattraper son retard pour une entreprise de taille moyenne qui appréhende mal l’intérêt du CRM ou de l’intelligence artificielle.
L’interrogation concernant le cloud est évidemment celle de la sécurité des données face aux risques de piratage, d’incendie ou d’attaques des sites. Les principaux fournisseurs sont capables, non seulement de restaurer les sauvegardes qui peuvent être en double ou triple selon le niveau de service exigé par le client, mais aussi de réduire les surfaces d’attaque sur les données par les couches de protection qu’ils mettent en place sur leurs systèmes. Aucun système n’est infaillible mais une des clés de résilience vient de la capacité et de la vitesse de restauration des systèmes.
Perte d’autonomie stratégique. Pour la souveraineté sur les données, il faut distinguer la capacité de réguler le stockage, l’usage et le traitement des données, d’une part, de l’autonomie stratégique dans la disponibilité des systèmes et le lieu de stockage des données. Si l’Union européenne a une vraie puissance de régulation, elle a largement perdu son autonomie stratégique par négligence, au cours des trois dernières décennies, de l’importance de la révolution de l’informatique (production de microprocesseurs, systèmes d’exploitation, émergence d’acteurs ayant la puissance pour être leader dans le cloud). Toutefois, la nouvelle Commission européenne s’est donnée comme objectif de permettre à l’Union européenne de retrouver des éléments d’autonomie stratégique, ce qui exigera beaucoup d’efforts.
En termes d’autonomie stratégique, on distingue localisation des données et protection des données par le chiffrement. En fait, ces deux notions se complètent plus qu’elles ne s’opposent. La protection des données est fondamentale mais la localisation aussi. Il ne sert à rien d’avoir des données chiffrées si elles ne sont pas récupérables.
La France doit investir massivement dans les capacités de chiffrement où elle pourrait prétendre à un rôle de leader mondial
Pour ne pas accentuer le retard dans les capacités des acteurs français du cloud, le pays doit simultanément développer ses capacités internes mais aussi s’allier, comme l’Allemagne, avec l’un des puissants acteurs du cloud mondial et conclure un contrat d’alliance stratégique sur la localisation des capacités de stockage et de traitement de cet allié technologique sur le territoire national pour les applications de sécurité nationale et sur le territoire européen pour les données des entreprises françaises actives à l’exportation qui sont en concurrence directe avec les grandes entreprises américaines et chinoises. Dans le contexte d’une telle alliance, la France doit investir massivement dans les capacités de chiffrement où elle pourrait prétendre à un rôle de leader mondial. Il est clair qu’être en capacité de rajouter des couches de chiffrement, par des entreprises françaises localisées en France, sur des informations stockées en Europe chez un fournisseur même étranger est de nature à augmenter massivement la protection des données.
Crédit photo : Taylor Vick
Actus en relation
Laisser un commentaire
Nombre de commentaires :