Les Echos – 29/09/2021

Après les élections françaises du printemps 2022, les pays du nord de la zone euro vont exiger un resserrement des politiques monétaire et budgétaire de la zone dont l’ampleur dépendra des nouveaux équilibres politiques internes à l’Allemagne. C’est dire la perte d’autonomie de la France, sous l’effet de sa désindustrialisation massive au cours des vingt dernières années, que de dépendre à ce point d’arbitrages qui lui échappent de plus en plus. Et justement, les tentatives récentes de réindustrialisation de notre pays ne risquent-elles pas d’être sacrifiées avec le resserrement à venir ?

La France est le pays développé qui s’est le plus désindustrialisé depuis vingt ans. La part de l’industrie manufacturière dans le PIB a baissé de 14 % à 10 % de 2000 à 2019, contre 20 % en Allemagne. En euros, la valeur ajoutée manufacturière de la France est tombée à un peu plus du tiers de la valeur ajoutée allemande.

En lien avec la chute de notre industrie manufacturière et sur la même période, notre part dans les exportations mondiales de biens et services a chuté de 40 % et la part des exportations de la France dans les exportations de la zone euro a chuté de plus de 20 %. C’est l’explication principale de l’écart entre l’excédent commercial allemand de 228 milliards d’euros et le déficit français de 82 milliards d’euros en 2020.

En résumé, la part de l’industrie manufacturière française a baissé de 20 % dans les exportations de la zone euro, de 30 % dans le PIB de la France et notre part dans les exportations mondiales de biens et services a baissé de 40 % au cours des vingt dernières années. C’est un effondrement historique, sans équivalent en temps de paix depuis le début de l’industrie il y a deux siècles et demi. La France, qui fut en pointe des révolutions industrielles des années 1780 aux années 1980, est devenue un nain industriel en trois décennies.

Les économies des pays développés ont un secteur des services qui représente plus de 80 % de leur PIB, sauf en Allemagne où ce secteur se situe autour de 75 %. On ne peut comprendre l’importance de l’industrie si l’on ignore ce que j’appelle le paradoxe des deux fois 80 %. Alors que nos économies sont à plus de 80 % des économies de services, près de 80 % des exportations mondiales de biens et services, hors matières premières et énergie, sont des exportations de produits manufacturés. De plus, on insiste sur l’importance de la recherche et développement (R&D) pour rester à la pointe des transformations globales. Or l’industrie effectue plus de 80 % de la R&D mondiale. Pour dire les choses avec la force nécessaire : « pas d’industrie = pas de R&D et pas d’exportations ».

Il faut également comprendre qu’un pays qui rate une révolution industrielle entre en sous-développement relatif et s’appauvrit rapidement. La désindustrialisation de notre pays a entraîné la désertification des territoires qui ont vu leurs usines fermer, raison clé de l’apparition des « gilets jaunes ».

Dans la nouvelle révolution industrielle de l’informatique et du numérique, il n’y a pas d’autre façon de survivre et de créer des emplois que de numériser et robotiser l’appareil de production, et de développer l’intelligence artificielle en lien avec la 5G et bientôt la 6G dans le basculement programmé vers l’informatique quantique, ce qui exige des investissements publics et privés élevés.

Crédit photo : Anamul Rezwan

Actus en relation

Laisser un commentaire

Nombre de commentaires :

Suivez-moi sur Twitter
Derniers passages médiatiques