L’Opinion – 22/02/2022

La consommation finale à usage d’énergie doit passer de 1 600 équivalents TWh en 2021 à moins de 900 TWh en 2050 dans la PPE et 1 000 TWh dans la nouvelle version présidentielle, ce qui suppose une baisse de la production économique et un appauvrissement considérable de la population.

Notre politique énergétique est soumise depuis dix ans au seul objectif environnemental, en ignorant les autres objectifs du pays comme la réindustrialisation et la baisse du chômage et de la pauvreté. Elle est mise en œuvre par la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). La PPE de la période 2019-2028, se substituant à celle de 2016-2023, a été adoptée en avril 2020.

L’objectif central de la PPE est de réduire massivement la consommation d’énergie en augmentant la part de l’électricité. Réseau de Transport d’électricité (RTE) a publié en octobre 2021 des scénarios de mix énergétique fondés sur un objectif, fixé par la loi relative à la transition écologique pour la croissance verte (TECV) de 2015, de diminution de 50 % de la consommation énergétique finale française entre 2012 et 2050 avec un point de passage de – 30 % en 2030.

Bien que le président de la République a indiqué un nouvel objectif de baisse de 40 % à l’horizon 2050 dans son discours du 10 février 2022, c’est toujours la PPE d’avril 2020 qui est la loi de la République. De plus, avec une baisse de 40% – au lieu de 50% – de la consommation totale d’énergie, l’objectif de réindustrialisation, avec électrification souhaitable de l’économie, reste inatteignable.

La Programmation pluriannuelle de l’énergie française s’inscrit clairement dans un mouvement de décroissance économique forte, qui n’est jamais explicité

Appauvrissement. La consommation finale à usage d’énergie, toutes énergies confondues, doit passer de 1 600 équivalents TWh en 2021 à moins de 900 TWh en 2050 dans la PPE et 1 000 TWh dans la nouvelle version présidentielle, ce qui suppose une baisse de la production économique et un appauvrissement considérable de la population qui ne sont ni pris en compte, ni même mentionnés.

La PPE française, même modifiée selon la nouvelle orientation donnée par Emmanuel Macron à la fin de son mandat, s’inscrit donc clairement dans un mouvement de décroissance économique forte, qui n’est jamais explicité. Cette politique suppose une augmentation significative du prix relatif de l’énergie dans la durée qu’il faut expliquer tout en aidant les 2 millions de ménages pauvres. EDF étant le principal producteur d’électricité en Europe, on s’attendrait à ce que la politique publique en fasse le fer de lance de l’électrification de la production d’énergie.

Or, aux premières hausses des prix de l’énergie, le gouvernement a mis en place un chèque énergie à l’automne 2021 et décidé en janvier 2022 de saigner EDF en lui enjoignant de fournir 20 Twh d’énergie nucléaire supplémentaire à ses concurrents au prix de 46,5 euros le Mwh alors que l’entreprise va devoir les racheter sur le marché au-dessus de 100 euros le Mwh.

Par ailleurs, le gouvernement a décidé, à la veille de l’élection présidentielle, de réduire la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) de 22,5 euros à 0,5 euro le Mwh pour un coût de 8 milliards d’euros pour les finances publiques. Au total, ces différentes mesures, visant à éviter une forte hausse des factures d’électricité en février et mars 2022, vont coûter entre 18 et 20 milliards d’euros à l’Etat et à EDF, cette dernière devant être recapitalisée à hauteur de 2,5 milliards d’euros. EDF reste affaiblie par une dette de 43 milliards d’euros et la faible disponibilité de son parc nucléaire.

Ainsi, la politique énergétique est conduite en silo. D’un côté, la PPE proclame qu’il faut réduire la consommation d’énergie au prix d’une hausse de son prix tout en renforçant EDF comme acteur clé de la transition énergétique, tandis que, de l’autre côté, l’action du gouvernement bloque le prix de l’énergie, pour des raisons d’intérêt électoral immédiat, et casse le principal outil de cette transition énergétique.

La clé du rebond énergétique et économique de la France, pendant les trois décennies de transition vers des logements et des transports propres, est fournie par la taxonomie européenne qui élève le gaz au rang d’énergie de transition, à la demande de l’Allemagne

Rénovation. Toutefois, la nouvelle orientation fixée par Emmanuel Macron avec rénovation du parc nucléaire, si elle est mise en œuvre, rendrait crédible l’électrification décarbonée de l’économie à condition de se fixer un objectif de production d’électricité qui ne soit pas ridicule. La demande électrique retenue officiellement pour 2050 est de 645 TWh, soit une hausse de 35 % par rapport à la consommation actuelle, sachant que la consommation d’énergie fossile doit disparaître. L’Académie des technologies a fixé un objectif souhaitable de 840 TWh.

Mais si l’on veut réindustrialiser le pays en respectant les objectifs fixés par le GIECqui nous oblige à électrifier l’économie, il faut une production électrique de 1 000 TWh en 2050, ce qui ne peut être atteint même en relançant le nucléaire par une commande 6 + 8 EPR2. Il faut donc, d’une part, relancer l’électricité hydraulique dont le potentiel est sous-estimé d’environ un quart à condition d’investir, et d’autre part renforcer le photovoltaïque par une politique d’innovation déterminée et une multiplication de 10 à 100 GW de la capacité de production, comme le prône Emmanuel Macron, voire 150 GW à l’horizon 2050. Le Président a, à juste titre, indiqué que l’éolien terrestre n’est pas une solution dans un pays qui veut renforcer son attractivité touristique.

Dans ce contexte, comment amplifier le renouveau du pays ? S’il faut effectivement verdir et électrifier la croissance, cette dernière doit être forte pour donner le pouvoir d’achat réclamé par la population tout en réindustrialisant le pays afin de faire disparaître le déficit commercial extérieur. Il faut mener une politique déterminée d’isolation des logements au rythme d’un demi-million par an, ce que n’ont jamais tenté de faire les ministres écologistes lorsqu’ils étaient ou sont au pouvoir.

Verdissement. Le verdissement de la croissance passe donc par une hausse régulière du prix de l’énergie pour optimiser sa consommation, sous l’effet d’une taxe carbone mise en œuvre dans l’ensemble de l’Union européenne, voire dans le cadre d’un partenariat transatlantique incluant d’un côté, les Etats-Unis, le Canada et le Mexique, et de l’autre, l’Union européenne, la Suisse, la Norvège et le Royaume-Uni.

Mais la clé du rebond énergétique et économique de la France, pendant les trois décennies de transition vers des logements et des transports propres, est fournie parla taxonomie européenne qui élève le gaz au rang d’énergie de transition, à la demande de l’Allemagne. Il est urgent de construire une vingtaine de centrales électriques au gaz tout en poussant massivement l’hydraulique, le photovoltaïque et l’éolien maritime. Et il faut rénover le parc nucléaire en faisant d’EDF l’instrument de modernisation de notre économie.

Crédit photo : Matthew Henry

Actus en relation

Laisser un commentaire

Nombre de commentaires :

Suivez-moi sur Twitter
Derniers passages médiatiques