Les Echos – 8/11/2022

La rivalité Etats-Unis-Chine pour la domination mondiale s’amplifie chaque jour avec deux lutteurs de plus en plus durs, et un Xi Jinping qui renforce sa puissance. Pendant ce temps, que fait l’Europe ?

Il faut replacer le sacre récent de Xi Jinping dans la progression du duopole sino-américain en matière de puissance économique et numérique, militaire et diplomatique, et d’influence globale. En 2021, le PIB cumulé des deux pays s’est établi à 42,5 % du PIB mondial. Ils ont effectué 56 % des dépenses militaires mondiales. Ils détiennent 80 % des licornes et 100 % des grandes plateformes numériques.

Face à ces deux pays en compétition pour dominer le monde, l’Europe désunie ne s’est pas mise en ordre de bataille, au contraire. Et la peur de Poutine ne suffit pas à encourager ses membres à renforcer réellement leur autonomie stratégique et militaire.

L’héritage de Deng explosé

L’héritage de Deng Xiaoping, refondateur de la Chine moderne, était marqué par trois lignes de force : 1/la création d’une économie socialiste de marché plus ouverte sur le monde et favorisant les initiatives individuelles avec une séparation progressive entre les administrations de l’Etat et celles du Parti communiste ; 2/l’importance donnée à l’expérimentation dans les politiques publiques avec une plus grande liberté laissée aux ménages pour développer des activités privées et la création de zones économiques spéciales accueillant les entreprises étrangères, le développement d’un système financier et la multiplication des investissements à l’international ; et 3/l’institutionnalisation du régime avec la Constitution de 1982, qui réduisait le rôle de la lutte des classes et visait à favoriser le développement économique, ce qui préparait l’introduction des droits de propriété privée, en 2004. Les mandats politiques étaient limités à deux termes de cinq ans. Si la Chine n’en devenait pas une démocratie, elle se transformait et s’ouvrait sur le monde. Ce sont toutes ces évolutions que Xi a inversées.

Xi a fait voler en éclats le programme politique de Deng. Tout d’abord, il a fait sauter les règles de limitation des mandats et s’est placé au centre de la Constitution, alors que Deng avait voulu bannir le pouvoir personnel. Ensuite, il a mis de côté le principe d’expérimentation par une recentralisation du système et une nouvelle fusion des administrations du Parti et de l’Etat donnant le primat au Parti. Les cadres nationaux et régionaux perdent beaucoup en autonomie, qu’ils utilisaient parfois mal et à leur profit, mais le plus souvent en multipliant les projets de développement. Enfin, il accentue le contrôle du Parti sur les entreprises et reprend le suivi en direct de leur internationalisation. Progressivement, la propagande officielle met Deng sur le bord de l’histoire et réaffirme le contrôle total du Parti sur les sphères économique et politique.

Le XXe Congrès du Parti communiste chinois (16-22 octobre 2022) a renouvelé 65 % des membres du Comité central, ce qui montre la mainmise de Xi sur cette instance. Le Comité central s’est réuni le 23 octobre 2022 et a renouvelé les mandats de Xi Jinping à la tête de la Chine pour la troisième fois et nommé un Comité permanent du Bureau politique constitué de fidèles de Xi.

L’ex-président Hu Jintao, dernier héritier de Deng, a été physiquement escorté hors du Congrès le 22 octobre, sous le regard des caméras, en semblant résister à cette expulsion qui est intervenue juste avant le vote visant à intégrer le « rôle central » de Xi à la charte du parti. Voulait-il voter contre ?

Non seulement Joe Biden continue la politique de Trump envers la Chine mais il l’a durcie le 7 octobre par un blocage de plus en plus complet des achats chinois de produits technologiques américains.

La rivalité USA-Chine pour la domination mondiale s’amplifie chaque jour avec deux lutteurs de plus en plus durs. L’Europe molle est un des enjeux de cette rivalité.

Photo par Alejandro Luengo sur Unsplash

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