Les Echos – 3 mars 2023

La France n’a pas compris qu’un nouvel ordre stratégique mondial se mettait en place : la Chine et les Etats-Unis se battent pour être la puissance dominante dans une révolution « informatique » mondiale.

Le conflit stratégique entre la Chine et les Etats-Unis ne se limite pas à la destruction de ballons dans l’espace…Les deux pays se sont lancés dans une compétition entre une puissance dominante de l’ordre international qui veut le rester – les Etats-Unis – et une puissance montante qui veut prendre sa place – la Chine. C’est un conflit classique, depuis Athènes et Sparte. Depuis le XVe siècle, seize conflits de ce type ont été recensés dont douze se sont conclus par une guerre et quatre par le renoncement de l’un des deux ennemis. Les Etats-Unis sont prêts à tout pour rester le dominant ; la Chine également, comme l’a clairement exprimé Xi Jinping, pour les remplacer.

Le conflit entre les deux géants se décline en deux luttes complémentaires :

  1. pour être la puissance géostratégique et militaire dominante ;
  2. pour être le leader de la révolution informatique mondiale.

L’informatique, comme science et technologie, transforme le monde depuis quatre décennies, comme la vapeur à la fin du XVIIIe siècle et l’électricité à la fin du XIXe siècle. Le numérique désigne les applications de l’informatique dans ses interactions avec les consommateurs. L’informatique est la mutation scientifique, technique, industrielle, énergétique et logistique qui fait fonctionner la planète.

L’Ukraine à la puissance 100.

Si l’informatique s’arrête, tout s’arrête ! Plus de banque, d’assurance, de logistique et d’approvisionnement. Mais aussi plus d’eau, de pain (les fours sont électriques) ou d’électricité, de télécommunications ou d’hôpitaux. L’informatique qui fait fonctionner les systèmes électriques, fonctionne elle-même à l’électricité. Les prochaines guerres globales commenceront par la destruction des systèmes électriques : l’Ukraine à la puissance 100. La révolution informatique est hyperindustrielle et investir dans la production d’ordinateurs, de microprocesseurs, de robots et d’électricité est une question de survie.

Et depuis trois décennies, les élites françaises pensent qu’on est entré dans un monde postindustriel, post-travail, et posténergie. Réindustrialiser dans le monde hyperindsutriel informatisé supposerait de doubler la production électrique en vingt ans, ce que nos dirigeants ne conçoivent même pas.

La France prépare son suicide lent. »

Ces deux pays dominent tellement la planète et leur conflit est si intense, qu’ils produisent plus de 42% du PIB mondial, assurent près de 60% des dépenses militaires mondiales, contrôlent 80% des licornes mondiales en capitalisation et 100% des grandes plateformes mondiales avec les GAFAM américains et les BATHX chinois.

L’Europe est – et se pense – en marge de cette transformation totale alors qu’elle est une proie. L’Allemagne, qui n’a pas de GAFAM – ce qui montre qu’elle n’est pas intellectuellement invincible -, investit depuis deux ans dans quatre grandes usines de microprocesseurs quand la France s’est lancée dans un demi-projet d’extension d’une capacité existante.

Notre pays a préparé son suicide lent en sous-investissant dans la production électrique et informatique depuis quinze ans.

En France, le débat porte sur l’âge de départ à la retraite, qui sera encore un des plus bas du monde à 64 ans, les inconvénients à construire des usines propres et des centrales électriques même propres, le désagrément à réintroduire l’excellence, la discipline et les devoirs à l’école, et les formes légales que pourrait prendre le droit à la paresse.

Le tsunami économique et l’affaissement brutal de la protection sociale qui se profilent – de moins en l’absence d’un réveil stratégique -, vont sidérer les Français au-delà de ce qu’ils ont vécu aux pires moments de leur histoire. Nous pouvons encore réagir à condition de comprendre le nouvel ordre mondial.

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