Les Echos – 19/11/2024
Selon l’économiste Christian Saint-Etienne, le budget 2025 en discussion est « une rustine coûteuse » et « sans effet structurel ». Tout ça pour ça ?
Le Premier ministre Michel Barnier a présenté le 10 octobre 2024 en conseil des ministres son projet de loi de finances pour 2025 (PLF 2025) qui prévoit une baisse du déficit de 60,6 milliards d’euros afin de le réduire de 6,1 % du PIB en 2024 à 5 % du PIB en 2025. Selon le gouvernement et sans ce projet, le déficit eût été de 7 % du PIB.
Dans son avis sur ce projet, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a considéré que beaucoup d’économies annoncées « ne sont pas documentées ». Il explique que l’ajustement « structurel » du déficit de 1,4 point de PIB repose à 70 % sur des hausses de prélèvements obligatoires et à 30 % sur des baisses de dépenses publiques, alors que le gouvernement annonçait que son projet était fondé aux deux tiers sur une baisse de dépenses et un tiers sur une hausse d’impôts.
Le plus vraisemblable est que le déficit, si la croissance ne tombe pas en dessous de 0,8 % en 2025, se situera à 5,5 % du PIB en 2025. Ce budget est une rustine coûteuse à l’effet temporaire. Surtout, c’est le dernier budget de la Ve République construit par replâtrage. Car selon le PLF 2025 lui-même, la dépense publique hors crédits d’impôts en pourcentage du PIB devrait passer de 56,4 % en 2023 à 56,8 % en 2024, avant un retour à 56,4 % en 2025. 60 milliards de replâtrages sans effet structurel. Tout ça pour ça ?
Dépenser pour dépenser
Quel est le fondement du problème ? En France, seules deux lois d’ordre divin règnent sur les finances publiques, le Parlement et l’opinion publique. Primo, la dépense publique crée la richesse. Secundo, la dette n’a pas d’importance car elle est illégitime : il suffit de l’effacer. Ces deux lois n’ont pas cours en Europe du Nord et à la Commission européenne.
Si la dépense publique créait la richesse, la croissance en France serait de 5 % par an depuis 40 ans, le déficit serait un excédent de même ampleur, l’impôt sur le revenu serait remplacé par des chèques du Trésor aux ménages, etc. Quant à la dette qui, en France et selon les tenants des deux lois précédentes, serait le problème des créanciers, elle est une responsabilité morale en Allemagne mais aussi ici.
De fait, la France a toujours payé, y compris en or après la défaite de 1870. Avoir le record de la dépense publique en pourcentage du PIB en Europe mais une croissance misérable depuis 20 ans n’intéresse personne. Il s’agit de dépenser pour dépenser même si les résultats de l’école sont mauvais, l’insécurité croissante et le chômage important. Non seulement la dépense est élevée mais son efficacité à atteindre les objectifs fixés par les dépensiers est désastreuse. Que faire ?
Les trois règles d’or
Trois règles d’or doivent être écrites dans la Constitution. Première règle : pour l’Etat, le déficit ne peut dépasser le niveau de l’investissement et ne jamais dépasser 3 % du PIB. Deuxième règle : pour les collectivités locales, les recettes courantes doivent couvrir non seulement les dépenses de fonctionnement mais aussi 60 % de celles d’investissement, soit le montant de l’amortissement des infrastructures mesuré sur les 30 dernières années. Troisième règle : pour la Sécurité sociale, équilibre obligatoire sur un cycle de trois années car il est fou de faire payer nos boîtes de médicaments par les générations futures.
Le HCFP mettrait en oeuvre ces dispositions pour les entités ne les respectant pas. Soit nous écrivons ces règles nous-mêmes, soit les marchés financiers nous les imposeront après une crise d’une violence inouïe. En Grèce, après l’accession au pouvoir de Syriza (qui signifie « coalition de gauche radicale ») le 25 janvier 2015, avec la promesse de tout faire sauter, le même parti signait en août 2015 un plan d’ajustement couronnant les plans précédents avec pour effet une baisse du PIB d’un quart et des retraites et prestations sociales d’un tiers (en valeur réelle).
Les réformes structurelles seront faites de toute façon. Par un syndic de faillite ou un Parlement responsable ?
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