Les Echos – 26/11/2024
La désindustrialisation de l’Hexagone, parmi les plus fortes en Europe, est appelée à se poursuive, selon Christian Saint-Etienne. La démonstration par la politique de réserves foncière et les impôts de production.
Alors qu’un petit courant de réindustrialisation semblait se manifester en France en 2022-2023 et au premier semestre de 2024, la dissolution et le débat budgétaire transformé en foire aux hausses d’impôts ont cassé l’élan. Les annonces de fermeture d’usines se multiplient depuis l’élection de Donald Trump, qui veut augmenter les droits de douane de 10 % à 20 % sur les importations de l’ensemble du monde hors Chine et de 60 % sur la Chine. La Chine accentuera son déversement de produits subventionnés sur l’Europe.
Alors que les impôts de production avaient été réduits de 3,4 % du PIB en 2019 à 3,1 % du PIB en 2023, notamment sous l’effet de la baisse de la CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises) de 15 milliards à 4,3 milliards d’euros, le mouvement de baisse est stoppé par le gouvernement dans le cadre de la préparation du budget pour 2025. Il faut d’ailleurs relativiser la réduction des impôts de production puisque ces derniers se situent encore au double du niveau de la zone euro et à plus de quatre fois le niveau allemand.
Perte de lucidité
De plus, la loi ZAN (zéro artificialisation nette) est en train de détruire les zones d’activité qui étaient programmées pour l’activité économique et que les communes réduisent, parfois de moitié d’un trait de plume, pour faire des logements ou du « retour à la nature » en vue de respecter leurs autres obligations environnementales.
Nous n’avons plus la lucidité, ni la volonté pour mener une politique ambitieuse de réserves foncières productives régionales coordonnées par l’Etat. La surface nécessaire pour réindustrialiser est de 50.000 hectares, dont 20.000 hectares de friches restaurées, qui doivent être comptées hors ZAN. Si ça vous semble beaucoup c’est que vous ne savez rien. Nous étions prêts, dans le cadre du Green deal européen et sans étude d’impact, à geler 4 % de la surface agricole utile, soit 1,2 million d’hectares ! On peut geler 1,2 million d’hectares d’un trait de plume mais on ne peut pas préserver 50.000 hectares pour se tenir debout dans la compétition internationale.
Ratios de production manufacturière
En analysant les ratios de production manufacturière en pourcentage du PIB, il apparaît que, de 2019 à 2023, ils ont baissé pour tous les pays (ou ensemble de pays) en difficulté et augmenté dans les pays dont l’activité économique performe. Précisément, ces ratios ont baissé de 14,9 % à 14,7 % du PIB pour l’Union européenne à 27, de 14,7 % à 14,5 % du PIB pour la zone euro, de 19,4 % à 18,5 % du PIB en Allemagne, et de 9,9 % à 9,7 % du PIB en France.
Ces mêmes ratios ont augmenté de 10,7 % à 10,9 % du PIB en Espagne, de 10,4 % à 10,8 % aux Pays-Bas, et de manière encore plus spectaculaire de 14,8 % à 15,4 % du PIB en Italie qui est devenue le quatrième exportateur mondial en 2023. Selon les dernières prévisions économiques de la Commission européenne, l’Italie aura une croissance supérieure (!) à celle de la France en 2025, grâce à ses 27.000 entreprises industrielles internationalisées. Surtout, les Pays-Bas vont croître deux fois plus vite que la France et l’Espagne trois fois plus vite. Les industries italienne et espagnole sont désormais plus robotisées que les françaises.
La France continue d’être le pays le plus désindustrialisé avec l’industrie la moins robotisée des grands pays européens, ce qui se traduit par un déficit commercial abyssal alors que l’Italie accumule les excédents de son commerce extérieur. Seule une révolution politique totale pourrait nous redonner la lucidité et la volonté pour agir.
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