JP-CSEPar Jean Peyrelevade et Christian Saint Etienne
Le Figaro – 15/02/2017

TRIBUNE – Les économistes Jean Peyrelevade et Christian Saint-Étienne avancent des pistes indispensables au redressement de la France, dans un contexte de défiance envers les autorités politiques et de tissu social déchiré.

L’économie française ne se rétablit pas et reste en arrière de la reprise européenne. La croissance économique annuelle moyenne, au cours des trois années 2014-2015-2016, a été de 0,95 % en France contre 1,25 % dans la zone euro et 1,35 % dans la «zone euro hors France». Notre croissance annuelle a donc été inférieure de 0,4 % à la moyenne de la «zone euro hors France» sur la période 2014-2016 alors qu’elle lui était supérieure de 0,5 % au cours des années 2007-2013 et de 0,2 % au cours des années 1997-2006. Notre performance économique relative s’est donc significativement effritée même par comparaison à la faible croissance de la «zone euro hors France».

Grâce au CICE, la rentabilité de l’activité productive est revenue au niveau de 2007 mais reste inférieure à celle des grands concurrents: Allemagne et Royaume-Uni mais aussi Espagne! Le coût du travail progresse moins vite qu’avant mais il reste très supérieur à ce qu’il est dans le reste de la zone euro hors Allemagne. Nous continuons d’avoir un déficit extérieur quand l’Allemagne accumule les excédents. Mais même l’Italie a un excédent extérieur élevé (2 % du PIB en moyenne en 2014-2016 contre un déficit annuel de la balance courante française de 1,7 % du PIB au cours de la même période). Il va donc falloir relancer massivement l’innovation de produits et services et l’investissement productif, réduire le déficit des administrations publiques et éliminer le déficit extérieur pour cesser d’accumuler des dettes qui maintiennent l’activité tout juste à flot sans qu’une nouvelle dynamique de croissance ne se mette en place.

Si le constat est clair, la porte de sortie est étroite: comment prendre des mesures sévères pour rétablir le pays alors que la confiance dans les autorités politiques est historiquement faible et que le tissu social est déchiré? Nous pensons que la seule issue possible est de réécrire le contrat social français sur sept points clés.

1 – La France recule chaque année dans le classement Pisa de l’OCDE tandis que 20 % des jeunes continuent de sortir chaque année du système éducatif sans formation et sans diplôme. Il faut permettre à chaque établissement d’enseignement d’élaborer un véritable projet éducatif en donnant aux chefs d’établissement la possibilité d’intervenir dans le choix des enseignants correspondant à ce projet. On ne peut plus tolérer que les enfants sortent de l’école primaire sans maîtriser les compétences de base. Il faut vérifier cette maîtrise à la fin du CE1 et remédier immédiatement aux déficiences.

2 – Il ne suffit plus de regretter que l’apprentissage et la formation professionnelle stagnent depuis vingt ans. Le moment est venu de créer une filière complète d’apprentissage et de formation professionnelle en impliquant fortement les entreprises et les régions dans les formations: augmentation de la place des chefs d’entreprise dans les conseils d’administration des établissements, organisation par les régions de cercles de rencontre entre formateurs et chefs d’entreprise au niveau des départements et des villes.

3 – On ne peut plus accepter le climat de guerre des classes qui reste trop souvent la base du comportement syndical tandis qu’un patronat parfois archaïque maintient les salariés en marge de la prise de décision. Pour que les salariés se sentent acteurs de leur destin, il faut qu’ils soient fortement représentés au conseil d’administration des entreprises (au moins un tiers du conseil) et que l’actionnariat salarié soit fortement encouragé. Dans ce nouveau climat de co-construction de l’avenir, on peut espérer que les salariés co-produisent et à tout le moins comprennent la stratégie de leur entreprise et les contraintes qui l’enserrent.

4 – Une dégressivité mesurée des allocations-chômage ne peut se concevoir qu’avec un suivi personnalisé des chômeurs sur la base d’un contrat de professionnalisation efficace.

5 – La réforme des retraites, qui représentent 14 % du PIB sur les 56 % du PIB de dépense publique en 2016, ne peut se résumer à un allongement de la durée de cotisation et à un recul de l’âge de départ à la retraite. Il faut introduire une mesure de retraite à la carte et une simplification par une comptabilisation centralisée des droits en points. Il faut également favoriser les sur-retraites en capitalisation, y compris en inventant des «fonds de pension de gauche» avec une cogestion syndicale et patronale.

6 – Un développement massif des fonds d’investissement en capitaux propres va exiger une mobilisation de l’épargne au bénéfice du renouvellement du capital productif. Il faut favoriser les fonds de branche professionnelle en ramenant le nombre de celles-ci de 700 à 150 en deux ans et en incitant les syndicats et le patronat à recapitaliser nos entreprises dans le cadre de règles prudentielles protégeant l’épargne des salariés (diversification et mutualisation).

7 – Il n’y aura pas de rebond de notre économie sans une refonte de la fiscalité du capital sur le modèle social-démocrate suédois: toute la fiscalité du capital (intérêts, dividendes et plus-values) doit passer en prélèvement à la source à 28 %, CSG comprise. Les taux de l’ISF doivent être divisés par deux pour prendre en compte la forte baisse de la croissance.

Au total, des salariés mieux formés – initialement et tout au long de la vie -, participant à la prise de décision stratégique dans l’entreprise et aux dividendes de l’effort collectif de modernisation et contribuant à l’orientation de l’épargne longue vers la reconstruction de leur outil de travail, seront directement intéressés aux bénéfices de la réduction des déficits publics et extérieurs. La confiance entre acteurs sociaux permettra de consolider la société politique. La consolidation de notre contrat social sur une base participative n’est pas une option mais un impératif.

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