Les Echos – 22/02/2017

LE CERCLE DES ECONOMISTES – Les élites n’ont pas su protéger les populations face aux vagues d’internationalisation rapides.

Il est aujourd’hui commun dans l’ensemble des pays démocratiques d’analyser l’échec des élites comme la cause principale de l’essor du populisme et de l’aura soudaine des « démocratures », ce dernier terme désignant des pays où le processus électoral consacre le parcours d’un tyran plus ou moins doux.

Quel est cet échec central des élites ainsi désigné comme la cause de tous les maux ? Manque de courage ? Manque de capacité à expliciter les enjeux du changement dans un monde en mutation rapide ? Manque de fermeté face aux mouvements migratoires ? Tout cela est vrai, mais ce n’est pas la cause première du rejet actuel.

Drôle ou tragique ?

Cette cause est connue : la vague d’internationalisation rapide de l’économie mondiale depuis trente ans, grâce à l’informatisation de tous les systèmes de production, de distribution et de transport, a permis, d’un côté, l’essor des classes moyennes des pays dits émergents.

C’est-à-dire ces pays vers lesquels les multinationales ont délocalisé les productions venant des pays développés démocratiques, et, de l’autre, l’enrichissement du 1 % dominant des pays riches ayant commandé – et bénéficié de – ces transferts. Les élites politiques n’ont fait que couvrir ces transferts ordonnés par le « big business ».

Dans ce contexte, imaginer, comme le font certains, que des chefs d’entreprise issus du « big business » sont le seul espoir de rétablissement de la prospérité des classes moyennes est au mieux drôle et au pire infiniment tragique. Le rôle des chefs d’entreprise est éminent dans la production de biens et de services dans le monde marchand concurrentiel.

Aux Etats-Unis, l’échec d’une politique fiscale de redistribution

Le raisonnement s’applique à Donald Trump, autoproclamé sauveur de l’Amérique après l’échec d’Obama et la faillite des élites américaines. Cette faillite n’est pas absolument avérée au moment où le taux de chômage américain est très bas, même si le taux de participation de la population au marché du travail pourrait être plus élevé.

De plus, ce sont les entreprises et les universités américaines qui dominent la transformation de l’économie mondiale depuis trente ans avec, notamment, les Gafa surfant sur l’Internet mondialisé d’origine américaine.

Que le Top 1 % américain se soit enrichi au cours de ces trois décennies relève davantage d’une politique fiscale de redistribution que d’une remise en question systémique du modèle démocratique, même si ce dernier n’est que le moins imparfait de tous les modèles connus. Mais, là aussi, on passe rapidement de la drôlerie trumpienne au tragique quand Trump annule le TPP, qui se voulait un rempart normatif face à la Chine, et remet en question l’Obamacare, qui protégeait 20 millions d’Américains parmi les plus fragiles.

La France doit donner un coup de jeune à son système politique

En France, le problème vient surtout de l’échec des élites politiques à moderniser le pays depuis trente ans. Le problème central vient du recrutement de ces élites.

Passer d’une Assemblée nationale de gauche à une Assemblée nationale de droite en France depuis trente ans, et en caricaturant à peine, c’est passer d’une Assemblée dominée par le monde enseignant, des avocats et des énarques de gauche à une Assemblée dominée par des médecins, des avocats et des énarques de droite (et c’est pareil au sommet du Front national, sauf erreur). Où sont dans ces élites les penseurs des transformations en cours, les éclaireurs de l’avenir, les pédagogues du changement ?

Pour amorcer le changement, réduisons le nombre de députés à 300, le nombre de sénateurs à 100, tout en supprimant le Conseil social économique et environnemental et en faisant du Sénat la chambre des territoires et des métiers. Simultanément, limitons le nombre de mandats de parlementaire à deux successifs et obligeons les fonctionnaires à démissionner de la fonction publique lors de leur première élection au Parlement. Un Parlement renouvelé et un gouvernement resserré valent mieux qu’un « sauveur » qui peut se révéler très décevant.

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