Les Echos – 17/05/2024
Emmanuel Macron ne cesse de louer le bilan de l’UE. C’est oublier que, de 2020 à 2024, la croissance française a été inférieure d’un tiers à celle de la zone euro.
Quelle Europe demain ? Emmanuel Macron a présenté sa vision rénovée de l’Europe dans son discours à la Sorbonne le 25 avril 2024. Dans son précédent discours sur le sujet, le 26 septembre 2017, il trouvait l’Europe « trop faible, trop lente, trop inefficace ». La situation s’est-elle réellement transformée alors même que la guerre est sur le sol européen, en Ukraine ? Macron dit aujourd’hui : « Ce mandat [du Parlement européen] de 2019 à 2024, c’est celui de la transformation européenne. » Il oublie de préciser que sur les cinq années 2020-2024, en intégrant les prévisions de la Commission européenne pour 2024, la croissance de l’économie française est inférieure d’un tiers à la croissance de la zone euro, cette dernière étant elle-même anémique par comparaison avec celle des États-Unis. Parmi les succès évoqués par Macron, on note l’emprunt européen commun, qui n’est pourtant déboursé qu’aux tiers trois ans après sa mise en place, et l’idée d’une Europe de la défense, qui est constamment combattue par l’Allemagne ou la Pologne, qui s’arment aux États-Unis, en Israël et en Corée. L’adoption du Pacte migration et asile d’avril 2024 consacre la division entre l’ouest et l’est de l’Europe, ce dernier refusant d’accueillir des immigrés sur son territoire. Le Pacte vert de 2019 apparaît aujourd’hui comme un carcan insupportable pour les agriculteurs et les entreprises, car il prétend opérer la transition écologique par la réglementation et l’interdiction quand les Chinois et les Américains la réalisent par l’innovation industrielle, favorisée par des incitations financières puissantes.
« Mortelle »
En avril 2024, Macron admet que « l’Europe est mortelle ». Face aux poussées territoriales de la Russie, l’Europe est, selon lui, « dans une situation d’encerclement » d’autant plus que « les États-Unis ont deux priorités : les États-Unis d’abord, et la question chinoise ensuite ». Mais le président continue de rêver à une Europe autonome, pratiquant la réciprocité dans le commerce. Alors que l’Allemagne, qui dirige aujourd’hui l’Europe, fait tout pour maintenir le parapluie américain en achetant massivement des armes dans ce pays et refuse des sanctions européennes réellement efficaces contre les subventions chinoises pour maintenir ses exportations déclinantes vers ce pays…
Surtout, Emmanuel Macron ne voit pas à quel point la France est marquée par ses mauvaises performances économiques. Malgré un déficit public qui s’est établi en moyenne annuelle à 6 points de PIB depuis 2020, l’économie française est restée clouée au sol depuis quatre ans. La dette publique, de fin 2019 à fin 2023, a progressé de 13 points de PIB en France contre 4,5 points de PIB dans la zone euro et une quasi-stabilité de la dette publique de la zone euro hors France sur cette période. Le déficit public français sera proche du double, en pourcentage du PIB, de celui de la zone euro hors France en 2024.
C’est donc le constat d’un échec phénoménal de la politique économique et de la conduite des finances publiques de la France sur la période 2020-2024, par comparaison aux autres pays de la zone euro soumis aux mêmes vicissitudes, qui s’impose au regard impartial. Il ne suffit pas de faire de beaux discours tous les sept ans à la Sorbonne pour refaire de la France un pays à la croissance rapide conduisant l’Europe vers les gras pâturages. Il serait plus efficace de réindustrialiser massivement, de rebâtir l’école primaire pour éliminer l’échec scolaire et monter de 15 places dans le classement Pisa de l’OCDE, et d’accélérer la remontée en puissance de notre dispositif militaire. Mais cela suppose de se concentrer sur quelques objectifs clés et de les atteindre.
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