Les Echos – 4/09/2024
Alors que le déficit public s’est encore creusé en 2023 – atteignant les 5,5 % du PIB -, pour Christian Saint-Etienne le constat est sans appel : la France a un important problème d’offre. Une offre de biens et services de moyenne gamme qui reste trop peu compétitive en dehors de quelques secteurs d’excellence.
Même si la croissance économique atteint 0,3 % au troisième trimestre grâce à un « effet Jeux Olympiques » , elle ne dépassera pour l’année 2024 que marginalement sa moyenne de 1,15 % sur la période 2001-2024. Or, avec une dépense publique à 57 % du PIB en 2024, soit 8,5 points de PIB de plus que la moyenne de la dépense publique de la zone euro hors France, le pays doit croître à 2 % ou 2,15 % par an pour compenser l’effet de freinage de la lourdeur administrative et créer les emplois industriels ou de service à forte valeur ajoutée qui commandent des salaires élevés.
Les Français réclament des hausses de pouvoir d’achat qui ne peuvent venir que de l’augmentation de la productivité du travail ou de la hausse de la quantité de travail fournie. La France est de plus frappée par la « maladie » du double déficit : déficit extérieur qui appauvrit le pays et déficit public gigantesque finançant une dépense sociale boursouflée : 33,5 % du PIB, soit 7 points de PIB de plus que la moyenne de la dépense sociale des autres pays de la zone euro.
Problème d’offre
Tous ces éléments conduisent à un diagnostic tout aussi évident que violent dans sa nature et ses effets : la France a un gigantesque problème d’offre, une offre de biens et services de moyenne gamme peu compétitive en dehors de quelques secteurs d’excellence (défense, aéronautique, luxe, services industriels, et, dans une moindre mesure, chimie, pharmacie, agroalimentaire). De fait, nous ne vendons pas assez de biens manufacturés haut de gamme pour compenser nos importations d’énergie et de biens manufacturés.
Ce diagnostic, qui aurait été non seulement partagé mais défendu par Keynes , devrait conduire à encourager l’essor des entreprises compétitives et exportatrices, à réduire la dépense sociale non conditionnelle actuellement déversée sur les personnes en capacité de travailler, à reculer l’âge de départ à la retraite au-delà de 64 ans pour augmenter la capacité d’offre, et à réduire les impôts sur les entrepreneurs et personnes qualifiées qui tirent la qualité de l’offre vers le haut.
Keynes explique clairement que la dépense publique est utile quand la demande macroéconomique est inférieure à l’offre, mais que stimuler la dépense sociale et réduire la capacité d’offre – en abaissant l’âge de départ à la retraite , en augmentant fortement le salaire minimum qui est à plus de 60 % du salaire moyen en France alors que l’OCDE recommande de le limiter à 50 % du salaire moyen pour accélérer l’insertion des jeunes et moins qualifiés, et en taxant massivement les créateurs de richesses présentés en France comme des accapareurs vicieux alors qu’ils sont déifiés dans les mondes anglo-saxon et germanique mais aussi en Italie – quand la demande est supérieure à l’offre compétitive est suicidaire.
Keynes désapprouverait
Loin de se limiter au multiplicateur IS-LM en économie fermée, Keynes a développé, dans deux chapitres de la « Théorie générale », une réflexion théorique puissante sur le rôle de l’entrepreneur preneur de risques en univers incertain et économie ouverte qui est continuellement ignorée par les élites françaises biberonnées à un sous-keynésianisme de fonction publique en économie fermée.
Keynes serait horrifié de voir le niveau de réflexion sur la politique économique et sociale de la France depuis la loi sur les 35 heures en 2000 , les hausses d’impôt massives de la dernière année de Sarkozy en 2011, et la politique soi-disant anti-riches de Hollande, Mélenchon et sbires qui cible en réalité les entrepreneurs et innovateurs. Une politique qui rapporte les voix de tous ceux que l’on prétend chauffer avec le bois de la branche sur laquelle le peuple est assis.
La hausse du pouvoir d’achat ne peut venir que du travail, de la productivité et de l’innovation par la prise de risques en univers incertain. Jusqu’à quand la pensée de Keynes sera-t-elle ridiculisée en France ?
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