L’Opinion – 7/07/2022

Pour l’économiste, «seules la responsabilisation des acteurs et l’évaluation des performances permettront de transformer la nécessaire réorganisation de l’action publique en un succès mesurable avant la fin de la décennie»

En 2021, le déficit public a atteint 161 milliards d’euros et devrait se maintenir au-dessus de 160 milliards d’euros en 2022, même si en pourcentage du produit intérieur brut (PIB), il devrait passer de 6,4 % à 6 % de 2021 à 2022. La dette publique se maintiendra au-dessus de 110 % du PIB en 2022 comme en 2021.

La Cour des comptes a indiqué dans un rapport du 4 juillet 2022 que la croissance des dépenses publiques sans lien avec la pandémie est considérable. Les recettes du seul Etat n’ont couvert que 60 % de ses dépenses en 2021 et cette proportion n’augmentera que marginalement en 2022. Les dépenses de l’Etat ont augmenté de 91 milliards d’euros sur les deux années 2020-2021, les dépenses hors mesures de soutien et de relance ayant progressé de 18 milliards d’euros.

Les finances publiques de la France depuis 2020 peuvent se résumer en deux mots : « open bar ! ». Le point clé est que non seulement cela ne gêne pas la classe politique, mais que cette dernière ne conçoit la politique publique, de l’extrême gauche à l’extrême droite, que comme une distribution de bonbons financée par de la dette publique. Une attitude confirmée par les propositions de tous les partis concernant le plan de protection du pouvoir d’achat en juillet 2022.

Décrochage. La dépense publique, qui était en moyenne de 55,5 % du PIB en 2018-2019, a grimpé à 61,4 % du PIB en 2020 mais n’est redescendue qu’à 59 % du PIB en 2021 et devrait s’établir à 58 % du PIB en 2022. La dépense publique devrait atteindre en 2022, un peu moins de 49 % du PIB en Allemagne et 49 % du PIB dans la zone euro hors France. L’écart de dépense publique de la France par rapport aux autres pays de la zone euro est donc de 9 points de PIB et le déficit public, à 6 % du PIB en 2022, devrait être proche du double du déficit public moyen des autres pays de la zone euro.

La pandémie ayant focalisé l’attention sur les hôpitaux, il est apparu que les administratifs représentaient 22 % du personnel hospitalier en Allemagne, contre 33% en France, soit une différence de plus de 120 000 personnes. Au lieu de restructurer le système, on exige toujours plus de crédits et de personnels pour régler un problème de désorganisation massif

Dans les analyses comparées de la dépense publique entre la France et ses voisins, on invoque toujours des écarts de périmètre, davantage de missions étant publiques dans notre pays. Mais même en comptant large dans la prise en compte de ces missions (retraites, armées, écoles maternelles, investissement public, etc.), l’écart de périmètre n’explique que 1,5 point de PIB de sur-dépense. La pandémie ayant focalisé l’attention sur les hôpitaux, il est apparu que les administratifs représentaient 22 % du personnel hospitalier en Allemagne, contre 33% en France, soit une différence de plus de 120 000 personnes. Au lieu de restructurer le système, on exige toujours plus de crédits et de personnels pour régler un problème de désorganisation massif.

De même, la redondance des missions dans les dépenses des collectivités locales est considérable et ne peut être traitée que par une réorganisation du bloc communal en plaçant les élections locales au niveau des intercommunalités dont les communes deviendraient des subdivisions. On passerait de 35 000 à 1 200 budgets locaux avec des économies substantielles.

Les universités ne peuvent pas sélectionner leurs étudiants et de 10 % à 15 % des étudiants boursiers n’assistent pas aux cours sans qu’aucune sanction ne soit prise. L’absentéisme dans la fonction publique est élevé sans réaction des autorités publiques qui ferment les yeux.

Responsabilité. La France a donc un énorme problème d’efficacité et de responsabilité de l’action publique. A chaque crise, les mêmes réflexes de dépense agissent sans contrepartie de contrôles et d’évaluation de l’efficacité de l’action publique. Or la performance de l’économie française est catastrophique avec une croissance moyenne de 1,1 % depuis vingt ans. L’inefficacité de la dépense publique est un des principaux freins à notre développement.

Pourtant il existe de nombreuses pistes de solutions qui peuvent être mises en œuvre au cours des dix prochaines années pour réduire le poids de la dépense publique. Il faut notamment repenser les administrations comme des « Unités de service public » avec un responsable, un budget et des objectifs précis dont la réalisation doit être systématiquement évaluée. La réforme des retraites doit précéder la généralisation de contreparties dans une protection sociale qui favorise le retour à l’activité. La réforme de l’école doit permettre de s’assurer que tous les élèves de CE1 maîtrisent les compétences de base (lecture, écriture, calcul) avant de poursuivre les enseignements de l’école primaire. Etc.

Seules la responsabilisation des acteurs et l’évaluation des performances permettront de transformer la nécessaire réorganisation de l’action publique en un succès mesurable avant la fin de la décennie.

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